Le Roman d'Alexandre le Grand
noces.
— Pour deux raisons
compréhensibles : prêter main-forte à son beau-frère en ce moment
critique, et respecter le deuil de Cléopâtre. »
Aristote porta un doigt à ses lèvres
pour inviter son neveu à se taire. On entendait un bruit de galop qui enflait
progressivement.
« Partons, dit le philosophe.
Quittons cet endroit. On agit plus librement lorsqu’on a l’assurance de ne pas
être épié. »
Le galop ralentit peu à peu, puis
finit par cesser tout à fait. Une silhouette vêtue d’un manteau noir mit pied à
terre, avança vers le cadavre cloué à un poteau, puis baissa son capuchon en
libérant une longue chevelure ondulée.
« Dieux du ciel, c’est
Olympias ! », murmura Callisthène à l’oreille de son oncle.
La reine s’approcha du cadavre, tira
un objet des plis de son manteau, puis se haussa sur la pointe des pieds. Quand
elle s’éloigna pour rejoindre son escorte, il y avait une couronne de fleurs
autour du cou de Pausanias.
« Oh ! par Zeus !
pesta Callisthène. Mais alors…
— Tu penses que ce geste est
clair ? dit Aristote en secouant la tête. Pas du tout. Crois-tu que si
elle était l’instigatrice de l’assassinat, elle l’accomplirait sous les yeux de
son escorte, tout en sachant que le cadavre de Pausanias est probablement
surveillé ?
— Si elle en est consciente,
elle pourrait se comporter de manière absurde afin d’amener ceux qui enquêtent
à la disculper.
— C’est vrai, mais il est
toujours plus sage de chercher à comprendre les mobiles qui ont poussé un être
à commettre un crime, plutôt que de s’interroger sur ce qu’il pense que les
autres pensent, observa Aristote. Trouve-moi une lanterne ou une torche, et
allons voir l’endroit où Pausanias a été tué.
— Mais ne vaut-il pas mieux
attendre la lumière du soleil ?
— Avant que l’aube se lève, il
peut se passer beaucoup de choses. Je t’attends là-bas. »
Le philosophe se mit en route vers
le bosquet de chênes et d’ormes près duquel avait eu lieu le massacre de
l’assassin.
39
Héphestion, Ptolémée, Séleucos et Perdiccas, tous quatre en armure,
arrivèrent à la tombée de la nuit, en nage et harassés de fatigue. Ils
confièrent leurs chevaux aux ordonnances et gravirent rapidement l’escalier du
palais jusqu’à la salle du conseil où les attendait Alexandre.
Léonnatos et Lysimaque ne les
rejoindraient que le lendemain car ils se trouvaient alors à Larissa, en
Thessalie.
Un garde les fit entrer dans la
pièce, déjà éclairée, où étaient réunis Alexandre, Philotas, le général
Antipatros, Alexandre d’Épire, Amyntas, ainsi que plusieurs commandants des
bataillons de la phalange et de la cavalerie des hétairoï. Tous, y compris le
roi, avaient revêtu leur armure. Casques et épées reposaient sur la table, à
portée de main, signe que la situation était encore critique.
Alexandre alla à leur rencontre,
l’air ému. « Mes amis, nous voici enfin réunis. »
Héphestion prit alors la parole au
nom du groupe. « Nous sommes désolés de la mort du roi Philippe, et
profondément chagrinés. L’exil qu’il nous avait infligé ne pèse nullement sur
nos sentiments. Il demeure dans notre souvenir un grand souverain, le plus
courageux des combattants, le plus sage des gouvernants. Il a été pour nous une
sorte de père, impitoyable et sévère, mais aussi généreux et capable de nobles
élans. Nous le pleurons avec une douleur sincère. Sa mort est un terrible
événement. Mais puisque tu recueilles son héritage, nous te reconnaissons comme
son successeur et comme notre roi. »
Sur ces mots, il s’approcha
d’Alexandre et l’embrassa sur les deux joues. Les autres l’imitèrent, puis ils
saluèrent le roi Alexandre d’Épire et les officiers présents avant de s’asseoir
à la table.
Alexandre reprit son discours :
« La nouvelle de la mort de Philippe va se répandre dans le monde entier
en l’espace de quelques jours, car des milliers de témoins y ont assisté. Elle
provoquera une série de réactions difficiles à prévoir. Mais nous devons agir
avec la même rapidité, afin de faire obstacle à tout ce qui pourrait affaiblir
le royaume ou détruire en partie ce que mon père a construit. Voici mon plan.
« Il nous faut d’abord réunir
des informations sur l’état des frontières du nord, sur les réactions de nos
récents alliés athéniens et thébains, et… (il se tourna vers Philotas avec
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