Le Roman d'Alexandre le Grand
demeure, il tomba
nez à nez avec lui.
« Vieux et valeureux
soldat ! le salua Alexandre en l’embrassant. Merci d’être revenu.
— Sire, répliqua Parménion la
gorge nouée, la mort de ton père m’a profondément chagriné. Si j’avais pu,
j’aurais donné ma vie pour le sauver. Je lui aurais fait un bouclier de mon
corps, j’aurais… » Il ne put poursuivre, tant sa voix était brisée.
« Je le sais », dit
Alexandre. Puis il posa les mains sur ses épaules, plongea son regard dans le
sien et lui dit : « Moi aussi. »
Parménion baissa les yeux.
« Tout s’est passé en un
éclair, général, ce plan a été conçu par un esprit génial et implacable. Il y
avait un grand vacarme, et je marchais devant, avec le roi Alexandre
d’Epire : Eumène s’est mis à crier, mais je n’ai pas compris ce qu’il
voulait me dire, je ne parvenais pas à l’entendre. Et quand je me suis retourné
en devinant qu’il se passait quelque chose, mon père était déjà à genoux,
baignant dans son sang.
— Je le sais, sire. Mais ne
parlons plus de ces choses bien tristes. Demain, je me rendrai à Aigai et
j’offrirai un sacrifice dans son temple funéraire. J’espère qu’il m’entendra.
Quelle est la raison de ta visite ?
— Je voulais te voir et
t’inviter à dîner. Nous serons tous réunis, et je vous exposerai mes plans pour
l’hiver. Je vous annoncerai notre ultime expédition en Europe. Par la suite
nous marcherons vers l’Orient, vers le levant. »
Il bondit sur son cheval et
s’éloigna au galop. Rentré chez lui, Parménion appela son serviteur.
« Prépare-moi un bain ainsi que mon plus bel habit, lui ordonna-t-il. Ce
soir, je dîne chez le roi. »
43
Les jours qui suivirent, Alexandre s’exerça aux arts militaires et
participa à de nombreuses battues de chasse ; mais il eut également
l’occasion de se rendre compte que son autorité était désormais reconnue dans
des pays lointains : des ambassades des Grecs d’Asie, et même de la Sicile
et de l’Italie affluèrent à la cour.
Les envoyés d’un groupe de villes
situées au bord de la mer Tyrrhénienne lui offrirent une coupe en or et lui
adressèrent une supplique.
Alexandre en fut flatté et leur
demanda d’où ils venaient.
« De Neapolis, de Medma et de
Posidonia, lui expliquèrent-ils avec un accent qui lui était inconnu, mais qui
lui évoquait un peu celui de l’île d’Eubée.
— Et que désirez-vous ?
— Roi Alexandre, répondit le
plus âgé d’entre eux, il y a dans notre pays une ville puissante, au nord de
nos terres, qui s’appelle Rome.
— J’en ai entendu parler, dit
Alexandre. On raconte qu’elle a été fondée par Énée, le héros troyen.
— Eh bien, nous subissons les
dommages d’une ville maritime située dans le territoire des Romains, qui
s’adonne à la piraterie et nuit énormément à notre commerce. Nous voulons
mettre fin à cette situation et nous aimerions que tu leur demandes d’y
veiller. Ta renommée s’est répandue dans le monde entier et je crois que ton
intervention aurait un très grand poids.
— Je m’en acquitterai
volontiers, et j’espère qu’ils m’écouteront. Quant à vous, tenez-moi au courant
des conséquences de cette initiative. »
Puis il adressa un signe au scribe
et se mit à dicter :
Alexandre, roi des Macédoniens,
hêgemôn panhellénique, au peuple et à la ville des Romains, salut !
Nos frères qui habitent les villes
du golfe Tyrrhénien disent que certains de vos sujets leur causent de graves
dommages par l’exercice de la piraterie.
Je vous prie donc d’y trouver un
remède au plus vite, ou de laisser les autres résoudre le problème à votre
place, si vous n’en êtes pas capables.
Il marqua la lettre de son sceau et
la tendit à ses invités, qui le remercièrent et s’éloignèrent, l’air satisfait.
« Je me demande quelles
conséquences aura cette missive, observa-t-il ensuite à l’adresse d’Eumène, qui
était assis près de lui. Et que penseront ces Romains d’un roi si lointain qui
se mêle de leurs affaires intérieures ?
— Pas si loin que ça, affirma
Eumène. Tu verras qu’ils te répondront. »
D’autres ambassades et d’autres
nouvelles arrivèrent des confins septentrionaux, où la situation
s’aggravait : l’alliance que les Triballes et les Gètes avaient scellée
s’était consolidée, elle risquait de réduire à néant toutes les conquêtes de
Philippe en
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