Le Roman d'Alexandre le Grand
aux
pieds. Les plaques de bronze qui protégeaient le poitrail et le front de
Bucéphale étaient tout aussi rouges ; son corps et ses naseaux dégageaient
un nuage de vapeur qui lui donnait l’allure d’une bête fantastique, d’une
créature de cauchemar.
Parménion le rejoignit aussitôt, les
traits empreints de stupeur. « Sire, tu n’aurais pas dû… »
Alexandre ôta son casque, libérant
ses cheveux dans le vent glacé, et le vieux général ne reconnut pas sa voix
lorsqu’il déclara : « C’est terminé, Parménion, nous pouvons
reculer. »
Une partie de l’armée fut rapatriée
par le chemin qu’elle avait parcouru à l’aller, tandis qu’Alexandre conduisait
vers l’ouest la cavalerie et le reste des soldats en remontant le cours de
l’Istros. Bientôt, il rencontra le peuple des Celtes, venu de terres fort
lointaines situées sur les rives de l’Océan septentrional, et il conclut un
pacte d’alliance avec eux.
Il s’assit sous une tente de peaux
tannées en compagnie de leur chef, un géant blond qui portait un casque
surmonté d’un oiseau dont les ailes battaient avec un léger grincement chaque
fois qu’il bougeait la tête.
« Je jure que je resterai
fidèle à ce pacte, affirma le barbare, tant que la terre ne s’enfoncera pas
dans la mer, que la mer ne submergera pas la terre, et que le ciel ne nous
tombera pas sur la tête. »
Alexandre fut surpris par cette
formule, qu’il n’avait encore jamais entendue, et il demanda : « Que
craignez-vous le plus ? »
Le chef leva les yeux vers lui dans
un mouvement d’ailes, il sembla réfléchir un instant, puis il répondit sur un ton
très sérieux : « Que le ciel ne nous tombe sur la tête. »
Alexandre n’en connut jamais la
raison.
Par la suite, il traversa les
territoires des Dardaniens et des Agrianes, des populations sauvages de souche
illyrienne qui avaient trahi l’alliance avec Philippe pour s’unir aux Gètes et
aux Triballes. Il les battit et les obligea à lui fournir des troupes, car les
Agrianes étaient célèbres pour leur capacité à gravir les rochers les plus
abrupts munis de leurs armes. Le souverain pensait qu’il aurait été plus
pratique d’utiliser ce genre de troupes que de devoir creuser un escalier, à
l’usage de son infanterie d’assaut, dans la roche du mont Ossa.
L’armée erra longtemps dans
l’enchevêtrement des vallées et des forêts de ces terres inhospitalières, et
l’on perdit bientôt sa trace. Le bruit courut même que le roi était tombé avec
ses troupes dans une embuscade, où il avait péri.
Cette rumeur se répandit très
rapidement dans le monde grec, atteignant d’abord Athènes, par la mer, puis
Thèbes.
Démosthène quitta aussitôt l’île de
Calaurie, où il s’était réfugié, et se présenta à l’assemblée réunie sur la
place publique. Il prononça un discours enflammé, puis adressa des messages à
Thèbes, ainsi qu’un chargement gratuit d’armures lourdes destinées à
l’infanterie de ligne, dont les Thébains étaient totalement dépourvus. La ville
se souleva, les hommes prirent les armes et assiégèrent la garnison qui
occupait la Cadmée, creusant des tranchées et élevant des palissades autour de
la citadelle, si bien que les Macédoniens se retrouvèrent prisonniers et qu’ils
ne purent recevoir aucun approvisionnement de l’extérieur.
Mais Alexandre fut informé de cette
révolte et des mots de dérision que Démosthène avait eus pour lui. Il s’emporta
terriblement.
Il abandonna en toute hâte les rives
de l’Istros et arriva devant les murailles de Thèbes treize jours plus tard,
évitant la reddition aux défenseurs de la Cadmée, épuisés par le siège. Ceux-ci
furent stupéfaits quand ils virent le roi, monté sur Bucéphale, ordonner aux
Thébains de lui livrer sans tarder les responsables de la révolte.
« Livrez-les, criait-il, et
j’épargnerai la ville ! »
Les Thébains se réunirent en
assemblée pour délibérer. Revenus de l’exil auquel Philippe les avait
contraints, les représentants du parti démocratique brûlaient de se venger.
« Que craignez-vous donc ?
Ce n’est qu’un adolescent ! », s’exclama l’un d’eux, un dénommé
Diodore. « Les Athéniens sont avec nous, Sparte et la ligue des Étoliens
pourraient rapidement joindre leurs forces aux nôtres. Il est temps de nous
débarrasser de la tyrannie macédonienne ! Le Grand Roi des Perses a
également promis son
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