Le Roman d'Alexandre le Grand
caressa
longuement. « Écoute. Un jour qu’Alexandre se trouvait dans ce palais, il
fit un rêve que je veux te raconter… »
Parménion dévisagea Alexandre d’un
air incrédule. « J’espère que tu ne parles pas sérieusement. »
Alexandre posa la main sur son
épaule. « Je n’ai jamais été aussi sérieux de toute mon existence. C’est
le rêve de mon père, Philippe, et le mien depuis toujours. Nous partirons avec
les premiers vents du printemps.
— Mais, sire, intervint
Antipatros, tu ne peux pas partir comme ça.
— Pourquoi pas ?
— Parce que tout peut arriver à
la guerre, et que tu n’as ni épouse ni enfant. Il faut d’abord que tu te maries
et que tu laisses un héritier sur le trône des Macédoniens. »
Alexandre sourit et secoua la tête. « Cette
idée ne me vient même pas à l’esprit ! Il est nécessaire d’observer une
longue procédure avant de prendre épouse : évaluer toutes les candidates
possibles au rôle de reine, choisir attentivement une éventuelle élue et
affronter les réactions des familles qui se verraient ainsi exclues.
« Il faudrait ensuite préparer
le mariage, la liste des invités, organiser la cérémonie, s’employer enfin à ce
que la jeune femme tombe enceinte, chose qui ne se produit pas toujours
instantanément. Et quand bien même elle se produirait, il n’est pas sûr qu’un
fils naîtrait de cette union, ce qui m’amènerait à patienter une année
supplémentaire. Et si un fils naissait, je serais obligé d’imiter Ulysse et
Télémaque : le quitter au berceau pour le revoir au terme d’une période
indéterminée. Non, je dois partir immédiatement, ma décision est irrévocable.
« Je ne vous ai pas convoqués
pour discuter de mes noces, mais de mon expédition en Asie. Vous êtes les deux
piliers de mon royaume, comme vous l’avez été pour mon père, et j’ai
l’intention de vous confier des charges de la plus haute importance, en
espérant que vous les accepterez.
— Tu sais que nous te sommes
fidèles, sire, affirma Parménion qui ne parvenait pas à appeler le jeune roi
par son prénom ; et que nous comptons t’obéir tant que nos forces nous
soutiendront.
— Je le sais, dit Alexandre. Et
c’est pourquoi je m’estime heureux. Toi, Parménion, tu m’accompagneras et tu
auras le commandement général de toute l’armée. Seul le roi sera supérieur à
toi. En revanche, Antipatros restera en Macédoine, avec les prérogatives et les
pouvoirs de régent. C’est seulement de cette façon que je pourrai partir
tranquille, certain d’avoir confié mon trône au meilleur homme qui soit.
— Tu m’honores trop, sire,
répliqua Antipatros. D’autant plus que la reine, ta mère, demeurera à Pella et…
— Je sais très bien à quoi tu
fais allusion, Antipatros. Mais souviens-toi d’une chose : ma mère ne
devra s’occuper en aucune façon de la politique du royaume, ni avoir des
contacts officiels avec les délégations étrangères. Elle n’aura qu’un rôle de
représentation.
« Elle ne pourra prendre part
aux relations diplomatiques que sur ta demande et sous ta surveillance
attentive. Il lui sera interdit d’intervenir dans des affaires à caractère
politique, qu’il te faudra administrer personnellement.
« Je souhaite que ses désirs
soient honorés et satisfaits chaque fois que cela sera possible, mais tout
devra passer par toi : c’est à toi, et non à elle, que je laisse le sceau
royal. »
Antipatros acquiesça d’un signe de
tête. « Il sera fait selon tes volontés, sire. Je n’ai qu’un seul
désir : que cette situation n’engendre aucun conflit. Ta mère possède une
forte personnalité et…
— Je ferai savoir publiquement
que c’est toi le dépositaire du pouvoir en mon absence, et tu n’auras donc à
rendre compte de tes décisions qu’à moi-même, reprit-il. Nous resterons en
contact permanent. Je te tiendrai informé de toutes mes actions, et tu feras de
même en me rapportant tout ce qui se passe dans les cités grecques qui nous sont
alliées, tout ce que trameront nos amis et nos ennemis. C’est pourquoi nous
nous emploierons à garantir la sécurité des voies de communication à chaque
moment.
« Quoi qu’il en soit, nous
aurons le loisir de définir ta charge dans tous les détails, Antipatros, mais
il demeure que j’ai confiance en toi, et que tu jouiras de la plus grande
liberté de décision. Je vous ai convoqués ici dans le but de
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