Le Roman d'Alexandre le Grand
Athéniens
s’intéressent plus à la solution des problèmes de la propriété et de la
distribution des terres aux paysans de l’Attique qu’à ses ambitions politiques
de grande puissance. »
Les discours passionnés de
Démosthène prirent bientôt le parti d’Olynthe : l’orateur voulait
persuader le peuple athénien de voter des aides militaires pour la ville
assiégée. Mais une fois encore, il n’obtint pas de résultats conséquents.
La ville tomba l’année suivante, et
Philippe la rasa pour donner un avertissement à ceux qui comptaient encore le
défier.
« Il aura ainsi une bonne
raison pour me qualifier de barbare ! », se mit-il à crier alors
qu’Antipatros l’invitait à réfléchir aux conséquences, à Athènes et dans toute
la Grèce, d’un geste aussi radical.
En effet, cette décision draconienne
aggrava les désaccords au sein de la péninsule hellénique : il n’y avait
pas une ville ou un village qui ne possédât alors son parti philo-macédonien et
son parti antimacédonien.
Pour sa part, Philippe se sentait de
plus en plus proche de Zeus, père de tous les dieux par sa gloire et sa
puissance, même si les conflits incessants dans lesquels il se jetait tête
baissée - « comme un bélier enragé », pour reprendre ses propres mots
– commençaient à le marquer. Il buvait beaucoup entre deux expéditions et
s’abandonnait à des excès de toutes sortes, à des orgies qui duraient des nuits
entières.
En revanche, la reine Olympias
s’enfermait de plus en plus en elle-même, se consacrant à l’éducation de ses
enfants et aux pratiques religieuses. Désormais, Philippe fréquentait rarement
son lit, et quand il le faisait, leurs rencontres se soldaient invariablement
par une insatisfaction mutuelle. La froideur et la distance de son épouse
l’humiliaient, il se rendait compte que sa fougue ne suscitait pas en elle le
moindre frémissement, la moindre sensation.
Olympias était dotée d’un caractère
aussi fort que celui de son époux, dont la dignité la remplissait de jalousie.
Elle était persuadée que son jeune frère, et surtout son fils, seraient à
l’avenir ses gardiens inflexibles, qu’ils restaureraient son prestige et son
pouvoir dont l’arrogance de Philippe la spoliait jour après jour.
La reine considérait les pratiques
religieuses officielles comme une obligation, bien que dénuée de sens. Si les
dieux de l’Olympe existaient, se disait-elle, ils ne pouvaient nourrir de
l’intérêt pour les affaires des hommes. D’autres cultes la passionnaient, en
particulier celui de Dionysos, un dieu mystérieux, capable d’investir l’esprit
humain et de le transformer, de l’entraîner dans un tourbillon d’émotions
violentes et de sensations primitives.
Le bruit courait qu’elle s’était
fait initier en cachette aux rites secrets et qu’elle avait participé aux
orgies nocturnes du dieu, au cours desquelles on buvait du vin mélangé à de
puissantes drogues avant de danser jusqu’à l’épuisement, jusqu’à éprouver des
hallucinations, au rythme d’instruments barbares.
Lorsqu’elle était dans cet état,
elle avait l’impression de courir dans les bois, d’abandonner sur les branches
des arbres des lambeaux de ses beaux vêtements royaux, pour suivre des bêtes
sauvages, les abattre et se nourrir de leur chair crue, encore
palpitante ; puis de s’effondrer, épuisée, en proie à un lourd sommeil,
sur un manteau de mousse parfumée.
À demi consciente, elle voyait les
divinités et les créatures des bois sortir timidement de leur cachette :
les nymphes à la peau aussi verte que les feuilles des arbres, et les satyres
aux poils hirsutes, mi-hommes, mi-boucs, qui se rassemblaient autour d’un
gigantesque simulacre de phallus divin, le couronnaient de lierre et de
pampres, y versaient du vin. Ils donnaient le signal du commencement de l’orgie
en absorbant du vin pur et en s’adonnant à des étreintes bestiales pour entrer
en contact avec Dionysos à travers cette extase frénétique.
D’autres l’approchaient furtivement
avec d’énormes phallus en érection, se repaissant de sa nudité, excitant leur
concupiscence animale…
Ainsi, dans des lieux connus des
seuls initiés, la reine s’enfonçait dans les profondeurs de sa nature la plus
sauvage, dans des rites qui libéraient ce que son esprit et son corps avaient
de plus agressif et de plus violent. En dehors de ces manifestations, sa vie
était celle que
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