Le Roman d'Alexandre le Grand
portait le même prénom que lui. Mais bien qu’il
l’eût déjà rencontré en d’autres occasions, il n’avait de lui que de vagues
souvenirs : il était alors trop petit.
Un soir, avant que le soleil se
couche, il le vit arriver à cheval en compagnie de son escorte et de ses
tuteurs.
C’était un magnifique enfant
d’environ douze ans, aux cheveux sombres et aux yeux d’un bleu intense. Il
portait les insignes de sa dignité : un ruban d’or autour de ses cheveux,
un manteau de pourpre et, à la main droite, un sceptre en ivoire. En effet,
malgré son jeune âge, il régnait sur un pays composé de montagnes.
« Regarde ! s’exclama
Alexandre en se tournant vers Héphestion, assis à ses côtés sur le balcon, les
jambes dans le vide. Voici mon oncle Alexandre. Il porte le même prénom que moi
et il est roi, lui aussi, le sais-tu ?
— Roi de quoi ? demanda
son ami en balançant les jambes.
— Roi des Molosses. »
Il bavardait encore quand Artémisia,
surgie dans son dos, referma ses bras sur lui. « Viens ! Il faut que
tu te prépares pour rencontrer ton oncle. »
Et tandis qu’il se démenait – il
préférait demeurer auprès de son ami -, elle le souleva et l’entraîna à la
salle de bains de sa mère, où elle le déshabilla, lui lava le visage, lui
enfila une tunique et une chlamyde macédoniennes bordées d’or, ceignit sa tête
d’un ruban d’argent avant de le faire monter sur une chaise afin de mieux
l’admirer. « Viens, petit roi. Ta maman t’attend. »
Elle le conduisit alors dans
l’antichambre royale où patientait la reine Olympias, déjà habillée, coiffée et
parfumée. Elle était magnifique : ses yeux très noirs tranchaient sur ses
cheveux flamboyants, et sa longue étole bleue, brodée sur les côtés de petites
palmes d’or, recouvrait un chiton coupé à l’athénienne, légèrement décolleté et
retenu sur les épaules par un petit cordon de la même couleur que l’étole.
Entre ses seins, que le chiton
découvrait en partie, pendait une goutte d’ambre de la taille d’un œuf de
pigeon, enchâssée dans une capsule d’or qui imitait un gland de chêne. C’était
l’un des cadeaux de mariage de Philippe.
Elle prit Alexandre par la main et
alla s’asseoir sur son trône, auprès de son époux qui attendait déjà son jeune
beau-frère.
L’adolescent pénétra dans la salle,
qu’il traversa entièrement avant de s’agenouiller – d’abord devant le
souverain, puis devant la reine, sa sœur, ainsi que l’exigeait le protocole.
Enorgueilli par ses succès, enrichi
par les mines d’or qu’il avait occupées sur le mont Pangée, convaincu d’être le
seigneur le plus puissant de la péninsule hellénique, voire du monde, après
l’empereur de Perse, Philippe s’ingéniait à surprendre ses visiteurs par la
richesse de ses vêtements autant que par le faste des ornements qu’il arborait.
Après les saluts rituels, le jeune
homme fut accompagné à ses appartements, afin de se préparer au banquet.
Alexandre aurait voulu y participer
aussi, mais sa mère lui expliqua qu’il était encore trop petit. Elle lui permit
en revanche de jouer en compagnie d’Héphestion avec les petits soldats de
céramique qu’elle avait fait exécuter pour lui par un potier d’Aloros.
Ce soir-là, après le dîner, Philippe
convia son beau-frère dans une salle privée pour parler de politique, et
Olympias en fut chagrinée parce qu’elle était la reine de Macédoine et que le
roi d’Épire était son frère.
En réalité, Alexandre était roi de
nom, mais non de fait, car l’Épire était dans les mains de son oncle Arybbas,
qui n’avait aucune intention d’abdiquer. Seul Philippe était en mesure de
l’installer sur le trône en ayant recours à sa puissance, à son armée et à son
or.
Une telle visée n’était pas
désintéressée : en établissant son beau-frère à la tête de l’Épire, il se
l’attacherait et contiendrait les exigences d’Olympias, qui avait été amenée
par les fréquentes absences de son époux à trouver dans l’exercice du pouvoir
les satisfactions que lui avait refusées une vie par ailleurs grise et
monotone.
« Il faut encore que tu
patientes quelques années, expliqua le roi au jeune souverain. Le temps que je
ramène à la raison les villes qui sont encore indépendantes sur la côte, et que
je montre aux Athéniens qui est le plus fort dans cette région. Je n’ai rien
contre eux, mais
Weitere Kostenlose Bücher