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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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pénétra brusquement dans sa chambre.
« Enfile un pantalon thrace et prends un manteau de laine brute. Pas
d’insignes ni d’ornements. Nous partons.
    — Où allons-nous ?
    — J’ai fait préparer nos
chevaux et des provisions, nous nous absenterons quelques jours. Je veux te
montrer quelque chose. »
    Alexandre s’exécuta sans poser de
questions. Il salua rapidement sa mère du seuil de sa chambre et se précipita
dans la cour où l’attendait une petite escorte de la cavalerie royale, ainsi
que deux destriers.
    Le roi était déjà à cheval.
Alexandre sauta sur le dos de son moreau ; ensemble, ils franchirent au
galop la porte grande ouverte.
    Ils chevauchèrent pendant plusieurs
jours en direction de l’Orient, longeant la côte, puis s’en écartant pour y
revenir ensuite. Ils traversèrent Therma, Apollonia et Amphipolis s’arrêtant la
nuit dans de petites auberges de campagne et mangeant la nourriture
traditionnelle des Macédoniens : de la viande de chèvre rôtie, du gibier,
du fromage de brebis affiné et du pain cuit sous la braise.
    Après Amphipolis, ils s’engagèrent
sur un sentier à pic et débouchèrent bientôt, presque à l’improviste, au milieu
d’un paysage désolé. La montagne avait été privée de son manteau boisé, et
partout l’on voyait troncs mutilés et taillis calcinés. Le terrain ainsi dénudé
était creusé en plusieurs endroits et d’énormes quantités de détritus s’entassaient
à l’entrée de chaque galerie, comme dans une gigantesque fourmilière.
    Une pluie légère et insistante
commençait à tomber, aussi les cavaliers couvrirent-ils leur tête de leur
capuchon et mirent-ils leurs animaux au pas. Le sentier principal se mua bien
vite en un labyrinthe, où s’agitaient une multitude d’hommes émaciés et
déguenillés, à la peau noircie et rêche, qui portaient de lourdes hottes
remplies de cailloux.
    Un peu plus loin, des colonnes de
fumée noire et dense s’élançaient dans le ciel en volutes paresseuses,
répandant sur toute la région une brume épaisse qui rendait la respiration
difficile.
    « Couvre-toi la bouche de ton
manteau », ordonna Philippe à son fils.
    Un étrange silence pesait sur ces
lieux, et la pluie avait changé la poussière en une boue si dense que les
sabots des chevaux s’y perdaient.
    Alexandre balayait le paysage d’un
regard effrayé : c’est ainsi qu’il s’était représenté l’Hadès, le royaume
des morts. Quelques vers d’Homère lui vinrent alors à l’esprit :
    Là se trouvaient la ville et le pays
des Cimmériens. Sans cesse enveloppés de nuées et de brumes, ces hommes ne sont
jamais vus par les rayons ardents du soleil, ni pendant qu’il s’élève dans le
ciel étoilé, ni quand, du haut du firmament, il descend de nouveau vers la
terre. Une nuit éternelle pèse sur ces infortunés.
    Soudain, le silence fut rompu par un
bruit sourd et rythmé, comme si le poing d’un Cyclope s’abattait avec une
monstrueuse puissance sur les flancs tourmentés de la montagne. Alexandre
éperonna son cheval car il voulait savoir d’où provenait le grondement qui
secouait la terre autant que le tonnerre.
    Après qu’il eut contourné une arête
rocheuse, il vit où finissaient tous ces sentiers. Il y avait une machine
gigantesque, une sorte de tour composée de grandes poutres, au sommet de
laquelle on avait accroché une poulie. Un filin soutenait un maillet colossal,
en fer, à l’autre extrémité, le câble était fixé à un treuil, que faisaient
tourner des centaines de malheureux qui enroulaient le câble autour du tambour
de manière à soulever le maillet à l’intérieur de la tour en bois.
    Quand il atteignait le sommet, l’un
des surveillants ôtait la cheville d’arrêt, libérant ainsi le tambour qui se
renversait, entraîné par le poids du maillet. Celui-ci jetait à terre et
brisait les pierres inlassablement déversées des hottes transportées à dos
d’homme dans la montagne.
    Les ouvriers ramassaient le minerai
fragmenté, en remplissaient leurs hottes et l’emportaient vers un lieu où
d’autres ouvriers le pulvérisaient dans les mortiers. Ils le nettoyaient alors
dans l’eau d’un torrent que canalisaient une série de glissières en pente,
séparant les grains de la poussière d’or qu’ils contenaient.
    « Voici les mines de Pangée,
expliqua Philippe. Grâce à cet or, j’ai armé et équipé notre armée, j’ai
construit nos palais, j’ai bâti la

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