Le Roman d'Alexandre le Grand
quelles
sont leurs intentions ? proposa Léonnatos.
— Ce n’est pas le moment de
plaisanter, rétorqua Lysimaque. Nous ignorons où se trouve Parménion et dans
quelle condition est son corps d’armée. Si le blocus nous demande beaucoup de
temps, nous risquons de ne jamais nous rencontrer.
Alexandre donna un coup d’œil aux
remparts : les soldats perses n’avaient pas l’air très belliqueux, ils
paraissaient plus intrigués qu’alarmés. Ils se pressaient le long du chemin de
ronde et observaient l’armée macédonienne en s’accoudant au parapet.
« L’idée de Léonnatos n’est
peut-être pas si saugrenue que ça », dit-il. Puis, à l’adresse
d’Eumène : « Prépare une ambassade avec un interprète et approche-toi
le plus possible de la poterne. Ils ne connaissent pas nos intentions mais ils
savent sans doute qu’aucun obstacle ne nous a arrêtés jusqu’à présent. Rien ne
prouve qu’ils aient tellement envie de nous défier.
— C’est vrai, insista
Léonnatos, fier de l’intérêt que le roi portait à sa proposition. S’ils avaient
voulu nous arrêter, ils auraient pu nous attaquer cent fois sur la route qui
vient de Termessos.
— Inutile de se perdre en
conjectures, interrompit Alexandre. Attendons le retour d’Eumène. Nous saurons
alors ce qui nous attend.
— Si quelqu’un m’accompagnait,
j’irais bien jeter un coup d’œil à la ville, intervint Callisthène. On dit que
la grotte où le satyre Marsyas aurait été écorché vif par Apollon, qu’il avait
défié en un concours musical, se trouve de l’autre côté du lac. »
Lysimaque attribua à Callisthène une
escorte composée d’une dizaine « d'écuyers » : il était
nécessaire que l’historien visite les lieux qu’il aurait à décrire.
Pendant ce temps, Eumène réunit une
ambassade. Muni d’un héraut et d’un interprète, il avança vers la poterne et
demanda une entrevue avec le commandant de la garnison. La réponse ne tarda
pas : la poterne s’ouvrit en grinçant et le commandant sortit, accompagné
par un groupe d’hommes armés. Eumène comprit aussitôt qu’il ne s’agissait pas
d’un Perse, mais d’un Phrygien, probablement originaire de cet endroit :
le satrape perse était sans doute parti depuis longtemps.
Le secrétaire le salua avant
d’ordonner au traducteur de traduire ses propos : « Le roi Alexandre
me charge de te dire que si tu te rends, il ne vous sera fait aucun mal, et
surtout ta ville ne sera nullement endommagée. En revanche, si tu tentes de
résister, nous ferons un blocus devant la forteresse et aucun de tes hommes
n’en sortira vivant. Quel message dois-je lui transmettre ? »
Le commandant lui livra
immédiatement sa réponse, prouvant ainsi qu’il avait déjà pris sa
décision : « Tu peux dire à ton roi que nous n’avons pas l’intention
de nous rendre pour le moment. Nous attendrons deux jours. Si nous n’avons pas
reçu de renforts d’ici là, nous capitulerons. »
Eumène fut stupéfié par la naïveté
et la sincérité du commandant. Il le salua très cordialement et rebroussa
chemin.
« C’est absurde !
s’exclama Lysimaque. Je n’aurais jamais cru une telle histoire si on me l’avait
racontée.
— Pourquoi ? répliqua
Eumène. C’est la décision la plus sensée qui soit. Cet homme a fait ses
calculs : il s’est dit que si le gouverneur perse contre-attaquait et nous
battait, il devrait rendre compte de sa reddition sans combattre et serait
empalé. En revanche, si le gouverneur ne se montrait pas d’ici à deux jours,
cela signifierait qu’il ne viendrait pas. Dans ce cas, il serait plus prudent
de se rendre.
— Cela vaut mieux, commenta
Alexandre. Les commandants peuvent s’installer en ville en réquisitionnant les
logements nécessaires. Les officiers de grade inférieur resteront au campement
avec leurs troupes. Dispose un bataillon de pézétairoï autour de la citadelle
et des sentinelles à la base des surplombs rocheux afin d’empêcher quiconque
d’entrer ou de sortir. Je veux également un escadron de cavalerie légère,
thrace et thessalienne, sur toutes les voies d’accès pour éviter les surprises.
Nous allons voir si cette histoire des deux jours est une chose sérieuse ou une
plaisanterie. Je vous attends tous pour le dîner : j’ai pris mes quartiers
dans le palais du gouverneur, une résidence fort belle et fort riche. J’espère
que nous passerons une soirée
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