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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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agréable. »
    Ils se retrouvèrent à l’heure dite
et furent bientôt rejoints par Callisthène, qui avait achevé sa visite de la
ville. Un domestique lui apporta le nécessaire pour ses ablutions, puis le
conduisit à l’un des tricliniums qu’on avait disposés en demi-cercle autour de
celui d’Alexandre. Ce soir-là, le roi avait également convié Thessalos, son
acteur préféré, ainsi que le devin Aristandre et Philippe, son médecin
personnel.
    « Alors, qu’as-tu vu de
beau ? demanda le roi à l’historien tandis que les cuisiniers commençaient
à servir le repas.
    — J’ai trouvé ce à quoi je
m’attendais, répondit Callisthène. Il y a bien une peau dans la grotte où le
fleuve prend sa source. On dit qu’elle a appartenu au satyre Marsyas, écorché
par Apollon. Vous connaissez l’histoire : le satyre défia le dieu Apollon
en un concours musical. Il se déclara prêt à jouer de la flûte contre le dieu,
qui jouerait de la cithare. Apollon accepta ce défi à une condition : si
Marsyas perdait, il devrait se laisser écorcher vif. C’est ce qui se produisit.
Il faut dire que leurs prestations étaient jugées par les neuf muses : il
était évident qu’elles n’auraient pas fait de tort à leur dieu. »
    Ptolémée sourit. « Il est
difficile de croire que la grotte renferme vraiment la peau du satyre.
    — C’est pourtant le cas,
semble-t-il, répliqua Callisthène. La partie supérieure a tout d’une peau
humaine, même si elle s’est momifiée. En revanche, la partie inférieure est
celle d’un bouc.
    — Facile à réaliser, observa le
médecin Philippe. Un bon chirurgien peut couper et coudre ce qu’il souhaite.
Certains taxidermistes parviennent à créer les créatures les plus fantastiques
qui soient : Aristote m’a raconté qu’il a vu un centaure empaillé dans un
sanctuaire du mont Pélion, en Thessalie. Mais il m’a assuré qu’il s’agissait
d’un torse d’homme et d’un corps de poulain, habilement assemblés. »
    Le roi s’adressa alors à
Aristandre : « Qu’en dis-tu ? Callisthène a-t-il vu la peau d’un
satyre ou une manœuvre des prêtres pour attirer des pèlerins et recueillir de
riches offrandes pour leur sanctuaire ? »
    Nombre de convives éclatèrent de
rire. Le devin les foudroya du regard, et les rires s’éteignirent bien vite,
même sur les lèvres des plus forts et des plus effrontés d’entre eux.
    « Il est facile de rire de ces
modestes expédients, dit-il, mais je me demande si la signification que cachent
ces manifestations vous ferait également rire. Y a-t-il quelqu’un, parmi les
valeureux guerriers que vous êtes, qui a déjà exploré la région qui s’étend
au-delà de notre perception ? Y a-t-il quelqu’un, parmi vous, qui aurait
le courage de me suivre dans un voyage vers les ombres de la nuit ? Vous
savez affronter la mort sur le champ de bataille, mais sauriez-vous affronter
l’inconnu ? Sauriez-vous combattre les monstres insaisissables et
invulnérables que notre nature la plus profonde dissimule même à notre
conscience ?
    « Avez-vous jamais désiré tuer
votre père ? Avez-vous Jamais souhaité coucher avec votre mère ou votre
sœur ? Que voyez-vous au fond de vous-mêmes lorsque vous êtes en proie à
l’ivresse ? Ou quand vous violez un innocent en jouissant doublement de sa
souffrance ? Telle est la nature du satyre ou du centaure, la bête ancestrale
aux pieds fendus et à la queue féroce qui vit en nous et nous réduit en un
instant à l’état de brutes ! Riez donc encore, si vous en êtes
capables !
    — Personne n’entendait se
moquer de la religion et des dieux, Aristandre, dit le roi pour le calmer, mais
de la mesquinerie de certains imposteurs qui profitent de la crédulité
populaire. Allons, buvons maintenant, et soyons gais. Nous avons encore de
nombreux efforts à accomplir avant de découvrir notre destin. »
    Tout le monde se remit à boire et à
manger, et la conversation se ranima rapidement. Mais le regard et les propos
d’Aristandre restèrent à jamais gravés dans la mémoire des convives.
    Le souverain songea à leur première
rencontre. Le devin lui avait alors parlé du cauchemar qui tourmentait ses nuits :
un homme nu, brûlant vif sur son bûcher funéraire. Dans la confusion des voix
et des bruits du banquet, Alexandre chercha un instant le regard d’Aristandre
pour comprendre ce qui le poussait dans son sillage jusqu’au cœur de

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