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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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tranché au lieu de le défaire et… »
    Il s’interrompit, comme s’il
répugnait à continuer.
    « Quoi d’autre ?
questionna Aristandre en plongeant son regard dans le sien.
    — Une comptine, dit Alexandre
en baissant les yeux.
    — Une comptine ?
Laquelle ? »
    Le roi se mit à chanter tout
bas :
     
    Le vieux soldat qui part en
guerre, tombe par terre, tombe par terre !
    Puis il lui tourna le dos.
    « A-t-elle une signification
pour toi ?
    — Non, ce n’est rien qu’une
comptine que je chantais dans mon enfance. La nourrice de ma mère, la vieille
Artémisia, me l’avait apprise.
    — Alors, n’y pense pas. Quant à
tes cauchemars, il n’existe qu’une façon de s’en débarrasser, affirma
Aristandre.
    — Et comment ?
    — En devenant un dieu »,
répliqua le devin.
    Dès qu’il eut prononcé ces mots, son
image disparut à cause de la chute d’un insecte, qui rida la surface de l’eau
en essayant désespérément d’échapper à la mort.
    À la tombée du soir, Alexandre franchit
le seuil du vaste temple. Il était éclairé par une double rangée de lanternes
accrochées au plafond, et par une grande lampe, posée sur le sol, qui projetait
un frémissement lumineux sur les membres colossaux du dieu Ammon.
    Alexandre examina le visage bestial
du géant, ses énormes cornes de bélier, sa large poitrine, ses bras robustes
qui pendaient le long de son corps, poings fermés. Il songea une nouvelle fois
aux paroles que sa mère avait prononcées avant son départ :
« L’oracle de Dodone a marqué ta naissance. Un autre oracle, au milieu
d’un désert ardent, marquera pour toi une autre naissance, dans une vie qui ne
s’éteindra pas. »
    Soudain, une voix retentit dans la
forêt pétrifiée des colonnes. « Que demandes-tu au dieu ? ».
Alexandre balaya le sanctuaire du regard, mais il ne vit personne. Il scruta
l’énorme tête de bélier, dont les grands yeux jaunes étaient traversés par une
fente noire : voilà donc ce que c’était qu’être un dieu ?
    « Reste-t-il encore… »,
commença-t-il. Et l’écho lui répondit : « encore ».
    « Reste-t-il encore un
meurtrier de mon père que je n’ai pas châtié ? »
    Ses mots s’éteignirent en se brisant
et en se déformant sur mille surfaces courbes, et il y eut un instant de
silence. Puis la voix vibrante et profonde s’échappa une nouvelle fois de la
poitrine du colosse : « Surveille ton langage, car ton père n’est pas
un mortel. Ton père est Zeus Ammon ! »
    Il faisait nuit noire quand le roi
ressortit du temple, après avoir entendu les réponses à ses questions. Il ne
voulut pas regagner sa tente au milieu des soldats. Il traversa les jardins
plantés de palmiers jusqu’aux portes du désert, sous l’immense voûte céleste.
Bientôt, il entendit des pas derrière lui. Il se retourna et tomba nez à nez
avec Eumène.
    « Je n’ai pas envie de
parler », dit-il. Eumène ne bougea pas. « Mais si tu as quelque chose
d’important à me dire, je t’écouterai.
    — Hélas, je dois te livrer une
mauvaise nouvelle que je garde au fond de mon cœur depuis longtemps, en
attendant le moment propice…
    — Crois-tu que ce moment est
arrivé ?
    — Peut-être. Quoi qu’il en
soit, je ne peux plus la garder pour moi. Le roi Alexandre d’Épire est mort en
combattant courageusement, écrasé par une multitude de barbares. »
Alexandre hocha la tête gravement, et, tandis qu’Eumène s’éloignait, il se
retourna pour scruter l’infinité du ciel et du désert, et pleura en silence.
     

 
     
     
     
     
     

Troisième livreLES CONFINS DU MONDE
     

1
    À la fin du printemps, le roi se remit en route à travers le désert en
s’engageant sur une voie qui menait directement de l’oasis d’Ammon aux rives du
Nil, à hauteur de Memphis. Il chevauchait des heures durant son bai de
Sarmatie, avec Bucéphale pour toute compagnie. Son étalon galopait en effet à
ses côtés, sans harnachement ni bride : ayant compris qu’il lui faudrait parcourir
une longue route, Alexandre s’employait à lui épargner des efforts inutiles,
comme s’il voulait prolonger autant que possible la vigueur de sa jeunesse.
    Trois semaines de marche sous un
soleil brûlant, dans de dures privations, furent nécessaires pour parvenir en
vue de la ligne verte annonçant les rives fertiles du Nil. Mais ni la fatigue,
ni la faim, ni la soif ne semblaient effleurer le roi, absorbé dans ses

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