Le Roman d'Alexandre le Grand
moi : nous devons reconquérir tous deux le
bonheur qu’un destin jaloux essaie de nous arracher. »
L’amiral Néarque reçut l’ordre de
mettre le cap sur la Phénicie, tandis que l’armée reculait en empruntant la
route qui longeait d’un côté la mer et de l’autre le désert. Aux environs de
Gaza, une estafette venue de Sidon apporta au roi une mauvaise nouvelle.
« Sire, dit-il en sautant à terre sans même reprendre haleine. Les
Samaritains ont torturé et brûlé vif le commandant Andromachos, le gouverneur
que tu avais placé à la tête de la Syrie. »
Déjà affligé par les derniers
événements, Alexandre s’emporta : « Qui sont ces Samaritains ?
demanda-t-il.
— Des barbares qui vivent dans
les montagnes entre la Judée et le mont Carmel ; ils possèdent une ville
du nom de Samarie, répondit l’estafette.
— Ne savent-ils pas qui est
Alexandre ?
— Ils le savent peut-être,
intervint Lysimaque, mais ils ne s’en soucient guère. Ils croient pouvoir
défier ta colère en toute impunité.
— Eh bien, ils vont me
connaître… », répliqua le souverain. Et il donna l’ordre de se remettre
immédiatement en marche. Ils poursuivirent leur route et atteignirent d’une
traite Akko puis ils se dirigèrent vers l’est avec la cavalerie légère des
Triballes et des Agrianes, ainsi que la Pointe, sur le pied de guerre.
Accompagné de ses amis, le roi avait lui-même pris la tête du convoi, tandis
que l’infanterie lourde, les auxiliaires et la cavalerie des hétairoï restaient
sur la côte aux ordres de Parménion.
Quand ils arrivèrent à destination,
à la tombée du soir, personne ne les attendait. Les Samaritains étant un peuple
de bergers, leurs hommes étaient dispersés dans les montagnes et les collines,
où ils faisaient paître leurs troupeaux. En trois jours, tous les villages
furent incendiés. La capitale, qui était le plus grand d’entre eux et disposait
d’une enceinte, fut rasée, et leur temple, un sanctuaire relativement pauvre
qui ne renfermait ni statue ni image, réduit en cendres.
Quand le raid fut terminé, les
ombres de la troisième nuit tombaient déjà. Le roi décida de cantonner ses
hommes dans la montagne et d’attendre le lendemain avant de se remettre en
route vers le rivage. Il doubla le nombre de sentinelles qu’il plaça sur les
cols environnants afin de parer à d’éventuelles attaques surprises, et il fit
allumer des feux pour éclairer les postes de garde. La nuit s’écoula
tranquillement. Peu avant l’aube, le roi fut réveillé par l’officier qui
commandait la dernière ronde, un Thessalien de Larissa du nom d’Eurialos :
« Sire, viens voir.
— Que se passe-t-il ?
l’interrogea Alexandre en se levant.
— Des hommes arrivent en
provenance du sud. Une ambassade, semble-t-il.
— Une ambassade ? Et de
qui peut-il s’agir ?
— Je l’ignore.
— Il n’y a qu’une ville au sud,
observa Eumène qui, déjà réveillé, avait accompli un premier tour d’inspection
de Jérusalem.
— Quelle est cette ville ?
— C’est la capitale d’un petit
royaume sans roi : le royaume des Judéens. Elle est perchée sur une
montagne et entourée de murs à pic. »
Tandis qu’Eumène parlait, le groupe
avait atteint le premier poste de garde et réclamait l’autorisation de passer.
« Laissez-les venir, ordonna
Alexandre. Je les recevrai devant ma tente. » Il jeta son manteau sur ses
épaules et s’assit sur un tabouret de camp.
L’un des membres de l’ambassade, qui
à l’évidence parlait grec, échangea quelques mots avec Eurialos et demanda si
le jeune homme au manteau rouge qui était assis devant la tente était le roi
Alexandre. Ayant reçu une réponse affirmative, il s’approcha en entraînant le
reste de son groupe. Tout portait à croire qu’il était l’homme le plus
important de l’ambassade : c’était un vieillard de taille moyenne à la
barbe longue et soignée ; sa tête était surmontée d’une mitre rigide, et
sa poitrine ornée de douze pierres de couleurs différentes. Il s’exprima le
premier, et sa langue à la fois gutturale et harmonieuse, syncopée et ponctuée
de fortes aspirations, rappela à Alexandre celle des Phéniciens.
« Que le Seigneur te protège,
grand roi, traduisit l’interprète.
— De quel seigneur
parles-tu ?, l’interrogea Alexandre intrigué par ces mots.
— Du Seigneur notre Dieu, Dieu
d’Israël.
— Et pourquoi votre
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