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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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cuir aux modestes
broderies de laine bleue. Elle avait pour seul bijou un petit collier à
pendentif d’argent, où l’on pouvait reconnaître l’effigie d’Ahura-Mazda. Elle
n’était pas maquillée, mais elle avait des traits gracieux, un visage fier et
délicat. Elle tenait de son père ses yeux sombres et profonds, ainsi que ses
sourcils marqués ; de sa mère, sans doute, ses lèvres douces, bien
dessinées, son cou fin, sa poitrine haute et ferme, ses jambes qu’on devinait
longues et minces.
    Alexandre s’approcha d’elle. Il
sentit son parfum délicat de cassier et de nard, et se laissa emporter par le
charme qu’il avait appris à reconnaître chez les femmes orientales.
    « Stateira, dit-il en baissant
la tête. Je suis profondément chagriné par la mort du roi ton père, et je suis
venu te dire… »
    La jeune fille s’inclina à son tour
avec un sourire mélancolique, puis elle lui tendit la main. Alexandre la serra
un moment dans les siennes.
    « Ne veux-tu pas t’asseoir, mon
seigneur ? », demanda-t-elle. Le grec qui s’échappait de ses lèvres,
avec un accent étrange, mais fort musical, lui rappela la voix de Barsine. Les
battements de son cœur s’accélérèrent. Il s’assit en face de la jeune fille et
reprit la parole : « Je désire t’annoncer que les plus grands
honneurs seront rendus au roi Darius et qu’il sera enseveli dans la tombe qu’il
a fait creuser dans la roche de Persépolis.
    — Je t’en remercie,
répliqua-t-elle.
    — J’ai également juré de capturer
son assassin, le satrape Bessos, qui s’est enfui vers la Bactriane, et de lui
infliger la punition que la loi perse réserve aux traîtres et aux
régicides. »
    D’un mouvement léger et gracieux,
Stateira baissa la tête en signe d’approbation, mais elle ne dit rien. C’est
alors qu’une servante entra avec un plateau sur lequel reposaient deux coupes
remplies de neige, où l’on avait versé du jus de grenades tout juste pressées,
d’une belle couleur rose vif. La princesse tendit une coupe à son hôte. Elle
s’abstint de boire, pour sa part, respectant les rigoureuses règles du deuil,
et contempla son interlocuteur. Ainsi, ce garçon aux traits parfaits, si simple
et si courtois, était l’invincible conquérant, l’implacable exterminateur qui
avait balayé les armées les plus puissantes de la terre, le démon qui avait
brûlé le palais de Persépolis et abandonné la ville aux pilleurs !
semblait-elle se dire. Pourtant, il lui apparaissait en cet instant comme un
gentil garçon, qui avait fait preuve de respect envers les prisonnières perses,
de dignité envers ses adversaires, et qui s’était gagné l’affection de la reine
mère.
    « Comment ma grand-mère se
porte-t-elle ? », l’interrogea-t-elle d’un air naïf, se corrigeant
aussitôt : « Je veux dire, la Grande Mère royale.
    — Assez bien. C’est une femme
noble et forte qui supporte avec grande dignité les coups du hasard. Et toi,
princesse, comment vas-tu ?
    — Assez bien, mon seigneur,
étant donné les circonstances. »
    Alexandre lui effleura la main d’une
caresse. « Tu es belle, Stateira. Belle et aimable. Ton père devait être
fier de toi. »
    Les yeux de la jeune fille se
remplirent de larmes. « Il l’était, mon pauvre père…, il aurait eu
cinquante ans aujourd’hui. Mais je te remercie de ces mots gentils.
    — Ils sont sincères »,
répliqua Alexandre.
    Stateira baissa la tête. « Ils
sonnent étrangement dans la bouche du jeune homme qui a refusé ma main.
    — Je ne te connaissais pas.
    — Cela aurait-il changé quelque
chose ?
    — Peut-être. Un regard peut
changer le destin d’un homme.
    — Ou d’une femme, répondit-elle
en fixant sur lui ses yeux luisants. Pourquoi es-tu venu ? Pourquoi as-tu
quitté ton ays ? N’est-il pas beau ?
    — Oh, si, répondit Alexandre.
Si, très beau. On y trouve des montagnes enneigées qui rougissent à la lumière
du couchant et se parent d’argent à la lueur de la lune ; des lacs aussi
purs et transparents que les yeux d’une jeune fille ; des prairies
fleuries et des bois de sapins bleus.
    — N’as-tu pas une mère, une
sœur ? Ne penses-tu pas à elles ?
    — Tous les soirs. Et quand le
vent se met à souffler vers l’ouest, je lui confie les mots qui jaillissent de
mon cœur afin qu’il les emporte à Pella, au palais où je suis né, et à
Boutrotos, où vit ma sœur, comme une hirondelle dans un nid

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