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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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de pierre
surplombant la mer.
    — Mais alors,
pourquoi ? »
    Alexandre hésita un moment, comme
s’il craignait de dévoiler son âme à cette jeune inconnue. Son regard erra sur
les montagnes couvertes de bois et de prairies verdoyantes, qui se dressaient
au-delà des murailles. Des voix d’hommes en train de négocier leurs
marchandises, des voix de femmes qui filaient la laine en bavardant,
parvenaient jusqu’à lui. Et l’on pouvait entendre le cri désagréable des grands
chameaux de Bactriane, qui se déplaçaient patiemment en de longues caravanes.
    « Il est difficile de te
répondre, dit-il soudain. J’ai toujours rêvé de franchir l’horizon que mon
regard pouvait embrasser, d’atteindre les confins extrêmes du monde, les flots
de l’Océan…
    — Et puis ? Que feras-tu
lorsque tu auras conquis le monde entier ? Seras-tu alors plus heureux ?
Auras-tu obtenu ce que tu désires vraiment ? Ne seras-tu pas plutôt envahi
par une angoisse encore plus forte et plus profonde, cette fois
irrépressible ?
    — Peut-être, mais je ne pourrai
pas le savoir tant que je n’aurai pas atteint les limites que les dieux ont
posées à l’être humain. »
    Stateira le contempla en silence. Un
instant, elle eut la sensation d’entrevoir dans les yeux du jeune homme un
monde mystérieux, un désert habité de fantômes et de démons. Elle fut prise
d’un léger vertige, qui se mêla à une attirance invincible, et elle ferma les
yeux. Alexandre l’embrassa. Ses cheveux caressèrent le visage et le cou de la
princesse. Quand elle rouvrit les paupières, il avait disparu.
    Le lendemain, Eumène, le secrétaire
général, vint lui rendre visite et la demander en mariage au nom de son roi.
     

31
    Le mariage fut célébré selon le rite macédonien : le fiancé
coupait une miche de pain à l’aide de son épée et en offrait un morceau à sa
fiancée, qui le mangeait avec lui. C’était un rite évocateur et simple, qui
plut à Stateira. La fête fut également macédonienne, avec ses grandes
libations, son banquet interminable, ses chants, ses spectacles et ses danses.
Stateira n’y participa pas : elle portait encore le deuil de son père.
Elle attendit donc son époux dans la chambre nuptiale, un pavillon en bois de
cèdre au sommet du palais, où pendaient de grands rideaux de lin égyptien et
brûlaient des lanternes.
    Quand Alexandre y pénétra, les
chansons obscènes de ses soldats résonnaient encore dans les cours, mais dès
que les cris s’éteignirent, un chant solitaire s’éleva dans la nuit, une élégie
douce qui s’envola, comme le chant d’un rossignol, au-dessus des arbres
fleuris.
    « Qu’est-ce donc ? »,
demanda le roi.
    Stateira s’approcha, vêtue d’une
robe indienne en tissu transparent, et posa la tête sur son épaule.
« C’est un chant d’amour de notre terre. Connais-tu l’histoire d’Abrocomès
et Anthia ? »
    Alexandre passa le bras autour de sa
taille et l’attira à lui. « Bien sûr ; je la connais en grec. Un de
nos auteurs l’a décrite dans une œuvre intitulée l’Anabase, mais j’aimerais
l’écouter dans la langue perse, même si elle m’est incompréhensible. C’est un
récit merveilleux.
    — C’est l’histoire d’un amour
qui dépasse la mort », dit Stateira d’une voix tremblante.
    Alexandre fit glisser la robe de son
épouse et contempla sa nudité, puis il la souleva comme si elle était une
enfant et la déposa sur le lit. Il l’aima avec une infinie tendresse, comme
pour racheter tout ce qu’il lui avait arraché : sa patrie, son père, sa jeunesse
insouciante. Elle lui répondit avec une ardeur passionnée, guidée par son
instinct de jeune vierge et par l’expérience millénaire que ses dames de
compagnie avaient dû lui transmettre afin qu’elle ne déçoive pas son époux dans
la chambre nuptiale.
    Tandis qu’il la serrait dans ses
bras, couvrait de baisers sa poitrine, son ventre doux et ses longues cuisses
d’éphèbe, des gémissements de plaisir s’échappaient de ses lèvres tendres. Et
la vieille chanson d’Abrocomès et d’Anthia, les amants perdus, continuait de
résonner dans l’air parfumé, comme un hymne suave et poignant.
    Il la prit plusieurs fois, puis se
laissa aller à ses côtés, caressant sa poitrine et ses bras jusqu’à ce qu’il
s’endorme. La chanson s’éteignit elle aussi dans la nuit. Le son d’un instrument
inconnu, qui évoquait la cithare, persista encore un

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