Le Roman d'Alexandre le Grand
son épée et l’abattre violemment sur son bouclier, qui
résonna comme un coup de tonnerre dans le silence. Tandis que les hommes se
tournaient vers lui, un autre soldat lui répondit, puis un troisième, un
quatrième, près des portes, à côté de la palissade, ou au milieu du camp, et
bientôt tous les cavaliers de la Pointe dégainèrent leur épée, en frappèrent
leur bouclier tout en avançant vers l’estrade.
Cavaliers et fantassins,
phalangistes, attaquants et assaillants, Thraces et Agrianes, tous rentrèrent
dans les rangs et s’unirent aux cavaliers de la Pointe en martelant leurs
boucliers. Le porte-drapeau du premier bataillon brandit l’étendard rouge,
frappé de l’étoile des Argéades, et son geste ramena le silence. Il fit un pas
en avant, inclina l’étendard et s’écria : « À tes ordres, sire ! »
Bouleversé, Alexandre leva les bras
au ciel pour remercier ses soldats de ne pas l’avoir abandonné. Ptolémée, qui
était près de lui, vit que ses yeux étaient remplis de larmes. Le roi demeura
dans cette position de longs instants, tandis que l’armée entière hurlait son
nom d’une voix tonitruante :
Alexandre ! Alexandre !
Alexandre !
Puis, flanqué de ses compagnons, il
quitta l’estrade, traversa le campement entre deux rangées de lances
étincelantes et rejoignit Bucéphale, qui l’attendait en piaffant.
30
L’armée marcha jusqu’à Zadrakarta, la capitale des Hyrcaniens.
Alexandre y trouva la cour de Darius III, que Bessos n’avait pas voulu emmener
dans sa retraite vers les provinces extrêmes de l’empire. Il licencia la
cavalerie thessalienne, en proposant à ceux qui souhaitaient demeurer à ses
côtés de s’enrôler dans son armée en qualité de mercenaires et ordonna à ses
hommes de se préparer pour une longue marche en direction de l’est. Puis il
attendit l’arrivée des nouveaux contingents macédoniens, que Parménion devait lui
envoyer au plus vite.
Les courtisans vivaient dans un
quartier dont les eunuques étaient les gardiens. Alexandre voulut aussitôt les
placer sous la protection de l’armée. Il s’enquit des membres de la famille
royale.
Le maître des cérémonies de la cour,
un homme d’une soixantaine d’années qui répondait au nom de Phrataphernès et
avait le corps et le crâne rasés, lui dit : « Les concubines du roi
et leurs enfants, ainsi que la princesse royale Stateira, se trouvent parmi les
courtisans.
— Stateira ?
— Oui, mon seigneur. »
Alexandre se rappela la missive par
laquelle Darius lui avait offert les territoires asiatiques qui s’étendaient à
l’ouest de l’Euphrate, et la main de sa fille. Il se rappela qu’il avait refusé
cette offre, malgré l’avis contraire de Parménion.
« Je désire que tu me fixes au
plus vite une audience avec la princesse », dit-il.
L’eunuque prit congé de lui. Au
début de l’après-midi, il lui annonça par un message que la princesse le
recevrait dans ses appartements après le coucher du soleil. Elle occupait le
palais qui avait appartenu à l’ancien satrape de Parthie.
Il s’y présenta, très simplement
vêtu d’un chiton blanc qui tombait à ses pieds et d’un manteau bleu fermé par
une boucle en or.
L’eunuque l’attendait sur le pas de
la porte. « La princesse est en deuil, mon seigneur, elle te prie de
l’excuser car elle n’a pu parer sa personne ainsi qu’elle l’aurait souhaité,
mais elle te recevra volontiers, car on lui a parlé de ta noblesse d’esprit et
de sentiments.
— Peut-elle s’exprimer en
grec ? »
L’eunuque acquiesça. « Lorsque
le roi Darius songea à t’offrir sa main, il lui fit enseigner ta langue, puis…
— Veux-tu bien
m’introduire ?
— Tu peux entrer, répondit
l’eunuque. La princesse t’attend. »
Alexandre pénétra dans une petite
pièce ornée de motifs floraux et de guirlandes de fruits. Il y avait là une
autre porte, encadrée par des montants de pierre sculptée, dont le linteau
était soutenu par deux griffons. La porte s’ouvrit devant une servante, qui
sortit après l’avoir fait entrer et referma la porte derrière lui.
La princesse Stateira était debout
devant une petite table de lecture, sur laquelle reposaient des rouleaux de
papyrus, ainsi qu’une statuette en bronze représentant un cavalier de la
steppe. Elle portait une tunique de laine brune couleur ivoire, resserrée à la
taille par une ceinture de cuir, ainsi que des babouches en
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