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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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Philippe avait dû
perturber sa soirée. C’est alors que Cratère fit son apparition. Il était, lui
aussi, de fort mauvaise humeur.
    « Si tu as déjà pris ta
décision, dit Ptolémée, pourquoi nous as-tu convoqués ? »
    Alexandre parut se calmer. « Je
n’ai pris aucune décision, et je n’ai pas l’intention de le faire. C’est
l’armée, réunie en assemblée, qui jugera les accusés, selon les anciens usages.
    — Donc, intervint Séleucos,
nous ne pourrons pas t’être d’un grand secours… »
    Alexandre l’interrompit :
« Si vous le souhaitez, vous pouvez vous retirer, je ne vous retiens pas.
Je vous ai appelés pour vous demander vos conseils et votre réconfort :
six des plus courageux de nos officiers, dont un de nos amis les plus intimes,
presque un frère, ont conjuré pour me tuer. Vous étiez présents, vous avez vu
et entendu le témoignage du page. »
    Le Noir, qui avait gardé le silence
jusqu’à cet instant-là, prit la parole : « Attention, Alexandre. Tu
n’as pas de preuves contre Philotas, à l’exception du témoignage de cet
adolescent.
    — Qui m’a sauvé la vie et qui a
dit la vérité pour tout le reste. Les archers qui étaient chargés de me tuer
ont parlé sous la torture et ont confirmé le récit de Cébalinos. Les
interrogatoires ont eu lieu séparément, donnant un résultat identique.
    — Et que t’ont-ils appris au
sujet de Philotas ? demanda encore le Noir.
    — Il était au courant, et il
n’a pas parlé. Comprends-tu, le Noir ? À l’heure qu’il est, par sa faute,
je pourrais être mort, criblé de flèches, transpercé de part en part, gisant
dans mon sang. » Ses compagnons comprirent que les larmes qui embuaient
son regard, tandis qu’il parlait, n’étaient pas dues à la pensée de ces
instruments de mort, mais bien à l’idée qu’un ami à qui il avait confié la
garde de sa personne en lui offrant la plus haute charge de l’armée après la
sienne, avait ourdi cette conspiration, avait souhaité le voir se tordre dans
les spasmes d’une agonie atroce. La souffrance que ses yeux traduisaient
n’échappait à personne, tout comme sa voix tremblante, ses doigts nerveusement
agrippés aux accoudoirs de son siège.
    « Que vous ai-je donc
fait ? demanda-t-il en pleurant, ou presque. Que vous ai-je fait ?
    — Alexandre, nous ne…, tenta de
répondre Ptolémée.
    — Vous êtes en train de le
défendre ! s’écria-t-il.
    — Non, répliqua Séleucos. Nous
n’arrivons pas à y croire, tout simplement, même si les apparences sont contre
lui. »
    Un long silence descendit sur la
salle, avec les ombres du soir. Personne n’osait le briser, pas même Péritas,
qui examinait son maître de ses grands yeux humides. L’époque heureuse de leur
amitié et de leur adolescence leur paraissait fort loin désormais, et la solitude
leur pesait. Soudain, les rêves et l’héroïsme qui avaient bercé leur jeunesse
semblaient s’évanouir, s’effaçant devant l’angoisse et les doutes, l’intrigue,
la fausseté et les soupçons, auxquels ils devaient se mesurer.
    « Qu’est-ce que les interrogatoires
ont révélé à propos du prince Amyntas ? le questionna encore le Noir.
    — Il serait monté sur le trône
après ma mort », dit Alexandre d’un air sombre. Puis il demanda au bout
d’un moment : « À votre avis, que devrais-je faire ? »
    Le Noir répondit au nom de tous les
présents : « Tu n’as pas le choix. Il s’agit d’officiers de l’armée
du roi, c’est donc l’armée du roi qui doit les juger. »
    Il n’y avait rien à ajouter, aussi
tout le monde sortit, en laissant Alexandre seul face à ses fantômes.
Héphestion lui-même n’eut pas le courage de rester.
     

38
    Eumène et Callisthène rejoignirent Alexandre avant que le jour se lève.
Ils le trouvèrent assis sur un simple tabouret, vêtu d’une chlamyde
macédonienne au tissu rêche. À l’évidence, il n’avait pas fermé l’œil de la
nuit.
    « A-t-il avoué sa
trahison ? demanda-t-il sans même lever la tête.
    — Il a supporté la torture avec
un courage incroyable. C’est un grand soldat, répondit Eumène.
    — Je le sais, répliqua
Alexandre d’un air sombre.
    — Ne veux-tu pas savoir ce
qu’il a dit ? », demanda Callisthène.
    Le roi acquiesça d’un hochement de
tête.
    « Alors que la douleur était à
son comble, il s’est écrié : Demandez à Alexandre ce qu’il veut que je
dise, et

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