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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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On ne verra rien : les courroies seront recouvertes par ton
manteau. »
    Alexandre s’abstint de répondre, et
son silence fut interprété comme un acquiescement. Ses compagnons lui passèrent
un ceinturon d’où pendaient quatre courroies, deux devant et deux derrière,
qu’ils fixèrent au harnachement du bai de Sarmatie. Puis ils le drapèrent dans
son manteau de pourpre de façon à couvrir complètement les courroies.
    « Et maintenant,
allons-y », ordonna-t-il.
    Héphestion jeta un coup d’œil à
l’extérieur. Léonnatos lui fit un signe qui signifiait
« Maintenant ! », et le premier agita la main. Alors, le silence
du crépuscule fut déchiré par un grondement sourd, comme un coup de tonnerre
lointain. Un coup, un deuxième et un troisième ! Alexandre tendit
l’oreille et se redressa instinctivement, puis il talonna le bai de Sarmatie.
Le cheval sortit, contourna la tente et se dirigea docilement vers l’armée
rangée.
    Le grondement lent et solennel
rythmait le pas de parade du puissant destrier, et Alexandre eut grand-peine à
retenir ses larmes en entendant l’air vibrer sous les coups du tambour de
Chéronée.
    Immobiles dans les rangs, les doigts
serrés sur la hampe de leurs sarisses, les soldats virent avec stupéfaction
leur roi marcher avec une allure majestueuse, les passer en revue, le regard
dur et ferme. Quand il arrivait devant un nouveau détachement, l’officier qui
le commandait avançait d’un pas, dégainait son épée et criait :
« Salut, sire ! » Et Alexandre lui répondait en hochant
légèrement la tête.
    Tandis que le roi parvenait au bout
de la ligne, le « tonnerre de Chéronée » se tut. L’officier le plus
âgé du premier rang des hétairoï poussa son cheval vers lui et s’exclama :
« À tes ordres, sire !
    — Repos », dit Alexandre.
    Les trompettes sonnèrent, et
Alexandre se dirigea vers sa tente en caracolant.
    « Il est fou, murmurait entre
ses dents Philippe, qui l’observait de loin. Il pourrait tomber à chaque
secousse et…
    — Il ne tombera pas, répliqua
Séleucos en abattant la main sur son épaule. Il ne tombera pas. »
    Ptolémée ne pouvait détourner les
yeux du souverain. « Voilà ce qu’il voulait faire. Maintenant tout le
monde l’a vu, tout le monde sait qu’il est encore vivant et qu’il est
guéri. »
    Alexandre pénétra sous sa tente à
cheval. Ses amis le détachèrent et l’aidèrent à mettre pied à terre, puis ils
entreprirent de délacer son manteau, de dégrafer sa cuirasse et de lui ôter son
épée.
    « Mettez-le immédiatement au
lit », ordonna Philippe.
    Mais Alexandre secoua la tête et se
dirigea d’un pas encore chancelant vers son siège de camp, il s’y assit et posa
les mains sur la table.
    « J’ai faim, dit-il. L’un
d’entre vous veut-il manger un morceau avec moi ? »
    Tout le monde lui lança un regard
abasourdi, et Léonnatos, qui ramenait le cheval dans son enclos, se figea sur
le seuil de la tente.
    « Leptine, s’écria le roi.
Débarbouille-moi et apporte-moi le « gobelet de Nestor » !
    — Le « gobelet de
Nestor » ! répliqua Philippe. Tu as donc envie de mourir ? Cette
nourriture te restera sur l’estomac, tu seras malade, tu vomiras, toutes tes
blessures se rouvriront et…
    — Le « gobelet de
Nestor », répéta Alexandre.
    Les compagnons et le médecin
l’observaient : il semblait ressuscité, transfiguré.
    « C’est grâce au son de ce
tambour et à la vue de ses soldats, murmura Cratère à l’oreille de Philippe.
Laisse-le manger. Il ne lui arrivera rien, tu verras. »
    Leptine lui apporta le fameux « gobelet »
et Alexandre se mit à manger. Seule la sueur qui perlait sur son front
témoignait de sa fatigue. Philippe l’examinait d’un air stupéfait en bougeant
les mâchoires comme s’il voulait l’aider à mastiquer. Debout autour de la
table, les compagnons assistèrent avec incrédulité à l’événement.
    Enfin, Alexandre se nettoya la
bouche et leva les yeux vers ses amis.
    « Qu’y a-t-il ? dit-il.
Vous ne m’avez jamais vu manger ? »
     

58
    Un mois plus tard, le roi était complètement rétabli. Il recommença à
courir, à monter à cheval et à s’entraîner à la lutte avec Léonnatos. À la fin
de l’été, il ordonna qu’on lève le camp et qu’on s’embarque.
    L’armée descendit le fleuve et, au
bout de deux jours, atteignit les confins d’une région appelée Sindh. Alexandre
demanda

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