Le Roman d'Alexandre le Grand
redoublèrent d’efforts, s’excitant les uns les autres par des
cris, tandis que les fantassins de deuxième et troisième ligne poussaient leurs
camarades à l’aide de leurs écus.
Exécutant l’ordre que Philippe avait
donné avant d’attaquer, les « écuyers » reculèrent en direction d’un
éperon rocheux qui se dressait à cent pas sur leur gauche, puis ils se
retournèrent et prirent la fuite.
Entraînés par la fureur du combat,
ivres de cris, de sang et du fracas des armes, enthousiasmés par la victoire
qu’ils croyaient déjà à leur portée, les Athéniens se précipitèrent à la
poursuite de leurs ennemis afin de les anéantir. Au lieu de les inciter à ne
pas quitter leurs rangs, leur commandant, Stratocle, leur criait de traquer
leurs adversaires jusqu’en Macédoine.
D’autres trompes résonnèrent sur la
gauche et un énorme tambour, suspendu entre deux chars, fit retentir un
grondement de tonnerre dans la vaste plaine. Au signal de Parménion, les douze
bataillons de la phalange s’ébranlèrent d’un pas cadencé, déployés sur une
ligne oblique.
Alors les Thébains se lancèrent eux
aussi à l’attaque, en rangs compacts, brandissant leurs lourdes lances de
frêne.
Mais bien vite, le premier bataillon
macédonien fit une incursion entre le front athénien, à présent disloqué par la
poursuite des « écuyers », et le flanc gauche de la formation
thébaine.
Philippe abandonna à son ordonnance
son écu, bosselé et couvert de sang, bondit à cheval et rejoignit Parménion. Le
général observait d’un air inquiet le bataillon sacré qui avançait au pas,
apparemment indifférent à ce qui se passait, hérissé de pointes ferrées,
inexorable.
Au centre, le premier bataillon
macédonien, qui avait pris un peu d’altitude, abordait déjà la première
dénivellation, quand un détachement d’infanterie thébaine se précipita pour
combler la brèche ; les pézétairoï abattirent leurs piques et les
balayèrent dans le choc frontal sans même en venir au corps à corps. Puis ils
continuèrent en suivant de leur pas le grondement assourdissant de l’immense
tambour qui les guidait dans la plaine.
D’autres guerriers venaient derrière
en ligne oblique. Les trois premiers rangs abaissaient leurs sarisses pendant
que les fantassins de l’arrière-garde levaient les leurs en les faisant ondoyer
au pas cadencé comme des épis dans le vent. Le tintement menaçant des armes qui
se heurtaient dans la lourde marche des guerriers sonnait comme un présage
angoissant, comme un son de mort, aux oreilles de l’ennemi qui descendait de
l’autre côté.
« Maintenant ! »,
ordonna le roi à son général. Et Parménion lança un signal à Alexandre de son
écu brillant – trois éclairs – pour entraîner la charge de la cavalerie et
ébranler la Pointe.
Le prince empoigna sa lance en
s’écriant : « Trois vagues ! » Et puis, encore plus
fort : « Phobos kai Deimos ! » Il talonna Bucéphale, qui
partit au galop à travers le champ de bataille rempli de cris et de morts,
aussi noir que la fureur de l’enfer, emportant son cavalier dans son armure
aveuglante, avec son haut cimier agité par le vent.
Derrière lui, la Pointe était unie
et les chevaux galopaient excités par les hennissements et les halètements de
Bucéphale, stimulés par les guerriers et par le son déchirant des trompes.
Le bataillon sacré resserra les
rangs et les hommes plantèrent dans le sol les hampes de leurs lances, opposant
ainsi leurs pointes à cette charge furieuse. Mais l’escadron d’Alexandre,
désormais à leur portée, décocha une nuée de javelots, puis s’effaça, laissant
la place à une deuxième vague, puis à une troisième, avant de reprendre
l’initiative. Nombre de soldats thébains furent obligés d’abandonner leurs
boucliers, hérissés de javelots ennemis, et de se battre sans protection. Alors
Alexandre ordonna à la Pointe d’adopter une position en coin ; il se plaça
à sa tête, la conduisit directement contre les rangs ennemis, frappant ses
adversaires de sa lance, puis de son épée, une fois son bouclier abandonné.
Levant le sien pour le protéger, Héphestion surgit à ses côtés, avec ses
hommes.
À chaque soldat tombé, les guerriers
du bataillon se rassemblaient, comme un corps dont la blessure cicatrise
aussitôt. Ils ressoudaient leur mur de boucliers et répondaient coup pour coup
avec une énergie insatiable et un courage
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