Le Roman d'Alexandre le Grand
s’était pas encore levée. Puis, lorsque le soleil apparut,
ils virent les pointes des sarisses de l’armée macédonienne scintiller dans la
plaine, comme des épis dans un champ de blé.
Philippe les aperçut. Il éperonna
son destrier et se dirigea vers son fils. « Salut, mon garçon !
dit-il en lui donnant une tape sur l’épaule. Tout se déroule comme je l’avais
prévu. Regarde-les : ils nous attendent. Dispose tes hommes sur l’aile
gauche et reviens me voir. Je suis en train de mettre au point le plan de
bataille avec Parménion et Cleitos le Noir, et nous n’attendions que toi pour
conclure. Tu es arrivé juste à temps. Comment te sens-tu ?
— Salut, père. Je me sens très
bien et je reviens dans un instant. »
Il regagna son escadron et le
conduisit sur l’aile gauche, où il lui ordonna de s’aligner. Héphestion tendit
la main vers les collines et s’exclama : « Dieux du ciel,
regarde ! Nous allons devoir affronter le bataillon sacré des
Thébains ! Tu les vois, là-haut, avec leurs tuniques et leurs manteaux
rouge sang ? Ce sont des durs à cuire, Alexandre, personne ne les a jamais
battus.
— Je les vois, Héphestion. Nous
vaincrons. Dispose les hommes sur trois rangs. Nous attaquerons par vagues.
— Grands dieux ! s’écria
Séleucos. Savez-vous pourquoi on le nomme bataillon sacré ? Parce que
chaque combattant est uni à son compagnon par un serment : demeurer près
de lui jusqu’à la mort.
— C’est vrai, confirma
Perdiccas. On dit aussi qu’ils sont tous amants, ce qui double leur serment
d’un lien encore plus fort.
— Cela ne les protégera pas de
nos coups, dit Alexandre. Ne bougez pas jusqu’à mon retour. »
Il rejoignit Philippe, Parménion et
le Noir qui s’étaient installés sur une colline peu élevée, d’où ils pouvaient
jouir d’une vue générale du champ de bataille. Face à eux, sur la droite, se
dressait l’acropole de Chéronée, avec ses temples.
Au centre et sur la gauche, les
Athéniens, et derrière eux les Thébains, étaient alignés sur une ligne de
collines qui dominait la plaine. Leurs boucliers brillaient, reflétant la
lumière du soleil qui se levait dans le ciel printanier, parcouru par de gros nuages
blancs. À l’extrême droite, on distinguait la tache vermeille du bataillon
sacré des Thébains.
Philippe avait disposé sur sa droite
deux détachements d’« écuyers », les troupes d’assaut qui avaient
détruit l’armée de Charès trois jours plus tôt et qui se trouvaient directement
placées sous son commandement. Ils tiraient leur nom de leurs écus, frappés
d’étoiles argéades de cuivre et d’argent.
Au centre, aux ordres de Parménion
et du Noir, les douze bataillons de la phalange, alignés sur cinq rangs, formaient
un mur de lances démesurées, une forêt impénétrable de pointes ferrées,
échelonnées sur une ligne oblique. À gauche, la cavalerie des hétairoï, qui se
terminait par la Pointe, l’escadron d’Alexandre.
« J’attaquerai le premier, dit
Philippe, ainsi j’occuperai les Athéniens. Puis je commencerai à reculer. S’ils
me suivent, toi, Parménion, tu introduiras un bataillon de la phalange dans la
brèche pour diviser en deux moitiés les forces ennemies, puis tu lanceras les
six autres bataillons. Le Noir t’emboîtera le pas avec le reste de l’armée.
« Ce sera alors à toi,
Alexandre : tu enverras la cavalerie sur la droite thébaine et tu lanceras
la Pointe contre le bataillon sacré. Tu sais ce qu’il te restera à faire, si tu
parviens à passer ?
— Je le sais fort bien,
père : la phalange est l’enclume, et la cavalerie le marteau. »
Philippe le serra contre sa poitrine
et, un instant, se revit accomplir le même geste dans la chambre de la reine,
plongée dans la pénombre, alors qu’Alexandre venait de naître. Il lui dit :
« Fais attention, mon fils. Dans la bataille, les coups arrivent de tous
côtés.
— Je serai vigilant,
papa », répondit Alexandre.
Il sauta sur Bucéphale et rejoignit
son détachement en longeant les bataillons, prêts à combattre. Philippe le
suivit longuement du regard, puis il se tourna vers son aide de camp et
dit : « Mon bouclier.
— Mais, sire…
— Mon bouclier ! »,
répéta-t-il sur un ton péremptoire.
L’aide de camp l’aida à enfiler le
long de son bras l’écu royal le seul à porter une étoile argéade d’or pur.
C’est alors qu’un son de trompes
s’échappa
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