Le Roman d'Alexandre le Grand
à Périnthe et à Byzance.
S’il a des propositions à me faire, je l’écouterai, et je lui communiquerai les
miennes. Mange cette viande, elle va refroidir ».
À Athènes les survivants de Chéronée
répandirent le désespoir. Quand ils relatèrent la défaite et rapportèrent le
nombre de morts et de prisonniers qui avaient décimé leurs rangs, la ville
résonna de plaintes. Certains cédèrent à l’angoisse, ne sachant si leurs êtres
chers étaient morts ou vivants.
Par la suite, la terreur l’emporta.
On rappela sous les drapeaux tous les hommes jusqu’à soixante-dix ans, et l’on
promit la liberté aux esclaves qui se battraient dans les rangs de l’armée.
— Démosthène, encore faible et
blessé, exhorta son peuple à résister et proposa de mettre à l’abri des
murailles la population rurale de l’Attique, mais tout cela se révéla inutile.
Quelques jours plus tard se présenta
un courrier de Philippe, qui demanda l’autorisation d’exposer à l’assemblée,
réunie en séance plénière, une proposition pour le traité de paix. Les
représentants du peuple découvrirent avec étonnement que ce document avait déjà
été ratifié par les citoyens en armes prisonniers à Cheronée, et qu’il portait
la signature de Démade.
Le courrier pénétra dans le grand
hémicycle, où les Athéniens étaient assis en plein air à la lumière du soleil
printanier. Ayant obtenu la permission de parler, il dit :
« Votre concitoyen Démade, qui
est encore l’hôte de Philippe, a négocié pour vous les clauses d’un traité,
obtenant des conditions que vous trouverez sans doute avantageuses.
« Le roi ne vous est pas
hostile. Au contraire, il admire votre ville et ses merveilles. C’est à
contrecœur qu’il a dû se mettre en guerre pour obéir à la requête du dieu de
Delphes. »
L’assemblée ne réagit pas selon les
prévisions de l’orateur : elle demeura silencieuse, car tous ses membres
étaient impatients d’entendre les véritables conditions du traité. Il
poursuivit donc :
« Philippe renonce à toute
compensation ; il vous reconnaît la possession de vos îles dans la mer
Égée, et vous rend Oropos, Thespies et Platées, que vos chefs avaient cédées
aux Thébains en trahissant une amitié séculaire. »
Assis aux premiers rangs auprès des
représentants du gouvernement, Démosthène murmura à l’oreille de son
voisin : « Mais vous ne comprenez pas qu’il se réserve ainsi toutes
nos villes sur les Détroits ? Elles n’ont pas été mentionnées.
— Cela aurait pu être pire,
répondirent les Athéniens. Laisse-nous écouter les autres propositions !
— Le roi ne vous réclame ni
dommages ni rançons, continua l’émissaire. Il vous restitue vos prisonniers et
les dépouilles de vos morts afin que vous puissiez les ensevelir dignement. Il
a chargé son fils, Alexandre, de mener à bien cet acte d’humanité. »
L’émotion des assistants, face à
cette nouvelle, montra à Démosthène qu’il avait perdu la partie. Philippe les
avait touchés dans leurs sentiments les plus profonds, il leur envoyait son
propre fils pour accomplir cet acte de clémence religieuse. Il n’y avait rien
de plus déchirant, pour des parents, que de savoir que leur enfant gisait sans
sépulture sur le champ de bataille, à la merci des vautours et des chiens,
privé d’honneurs funèbres.
« Et maintenant, écoutons ce
qu’il exige en échange de sa générosité, chuchota encore Démosthène.
— En échange, Philippe ne
demande qu’une chose aux Athéniens : devenir ses amis et ses alliés. Il
rencontrera tous les représentants des Grecs à Corinthe, à l’automne, afin de
mettre fin aux hostilités, d’établir une paix durable et de leur annoncer une
entreprise grandiose encore jamais tentée, à laquelle nous devrons tous prendre
part. Pour cela, Athènes devra dissoudre sa ligue maritime et entrer dans la
grande ligue panhellénique, la seule possible, que Philippe construit : il
mettra un terme aux vieilles luttes intestines de la péninsule et libérera du
joug des Perses les villes grecques d’Asie.
« À présent, prenez une sage
décision, Athéniens, et donnez-moi une réponse afin que je puisse la rapporter
à celui qui m’a envoyé. »
La proposition fut approuvée à une
large majorité, malgré le discours enflammé de Démosthène qui demanda la parole
pour appeler la ville à une ultime résistance. L’assemblée voulut
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