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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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n’atteignaient pas le sol. Malgré son dénuement, elle restait une enfant…
    —  Non merci. C’est très gentil de ta part mais je n’ai pas faim !
    Il mentait, car il n’avait pas mangé depuis deux jours, mais pour rien au monde il n’eût privé la fillette de sa maigre pitance.
    Cela faisait trois mois que La Pierre de Lune vivotait tant bien que mal à Canton, de petit boulot en petit boulot et de plus en plus las. L’énergie qu’il avait mise à quitter la région côtière où les incursions meurtrières des Taiping se multipliaient, jetant des cohortes de survivants sur les routes, n’avait pas tardé à s’épuiser, faisant resurgir le traumatisme du massacre de la famille de Joseph Zhong.
    Il ne savait même pas pourquoi il était revenu à Canton, alors même qu’il avait fui cette ville qui était synonyme pour lui de malheur, tel le pion d’un jeu de l’oie condamné par un mauvais coup de dé à revenir à la case départ.
    Comme il n’était pas question pour lui d’exercer la calligraphie car cela supposait qu’il remît les pieds dans le quartier des Lettrés où il eût risqué d’être reconnu, en l’espace de douze semaines, il avait déjà changé huit fois de métier…
    Les difficultés économiques consécutives à la guerre civile, dont les effets se faisaient de plus en plus sentir à tous les niveaux de la société, dissipaient la confiance et le respect confucéens qui caractérisaient les liens sociaux depuis des millénaires. Désormais le pur rapport de forces économique triomphait, chacun essayant de profiter de l’autre par la tromperie et la duplicité. Sous la pression de l’opium, la Chine basculait dans un nouveau système où entre patrons et employés, gouvernants et administrés, propriétaires et paysans, régnaient la peur et la méfiance. La violence de la cœrcition et de la révolte succédait au consensus millénaire établi par les codes rituels mis en place sous les Zhou.
    La boue noire était bel et bien en train de noyer le Pays du Centre… et les principales victimes de ce cataclysme étaient les gens honnêtes comme La Pierre de Lune qui, la veille encore, avait dû batailler ferme avec un marchand de tissus qui refusait de lui payer la totalité des journées où il l’avait employé à classer les milliers de coupons de coton et de soie entassés dans une réserve qui n’avait pas été rangée depuis des années. Une semaine plus tôt, le même scénario s’était produit, cette fois avec un fabricant de brouettes que notre héros avait aidé à livrer sa marchandise à une compagnie de transport étrangère. Alors que cet artisan lui avait promis deux piastres, il ne lui en avait finalement octroyé qu’une, sous prétexte qu’il n’avait pas fait assez vite.
    Le monde qui s’annonçait, où les gens étaient guidés par le seul profit immédiat fait – comment pouvait-il en être autrement   ?  – sur le dos des autres, ne lui disait rien qui vaille…
    Face à cette descente aux enfers du pays dont il était l’un des fils, son esprit s’embrumait de chagrin et sa volonté était gagnée par le découragement. Chaque jour, l’espoir de retrouver Laura s’amenuisait. C’était suffisant pour qu’il se sentît dépérir comme la plante trop exposée au soleil.
    —  Bon… j’y vais ! s’écria soudain la fillette en sautant du banc, ce qui le fît brusquement sortir de ces réflexions lugubres et désabusées où il se complaisait comme ces buffles qui se vautrent dans la boue malgré les efforts de leurs maîtres pour les maintenir propres.
    —  Au revoir La Clochette, et merci pour tout !
    —  Monsieur   ?
    Elle lui tendait la main. Il la saisit.
    —  Promettez-moi que vous ne pleurerez plus…
    —  Promis La Clochette ! murmura-t-il en la regardant s’éloigner à cloche-pied.
    Comme tous les enfants du monde…
    Au fait, qu’en était-il, de son enfant à lui   ? se demanda-t-il au moment où la silhouette de la petite mendiante disparaissait, happée par le magma végétal comme la pincée de sel qui donne tout son goût à la soupe que le prêtre taoïste va faire mijoter pendant des heures dans le tripode de bronze aux pattes griffues…
    Lui ressemblait-il, son enfant à lui   ? Aurait-il, un jour, le bonheur de le voir   ? Peu lui importait, contrairement à la plupart de ses trois cents millions de compatriotes, que ce fût une fille ou un garçon !
    Il scruta le ciel où le plafond

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