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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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l’odeur de la fleur du magnolia bénéfique, il se mit à dévorer d’un bout à l’autre, tel un animal affamé et sous le regard quelque peu effaré de Harrow, l’exemplaire du Shanghai North Weekly.

 
    68
     
    Shanghai, 28 mars 1855
     
    Ce matin-là, à son lever, John Bowles, qui avait trouvé devant sa porte un petit bol de porcelaine bleu et blanc, s’était rué au commissariat central de Shanghai où l’attendait le policier auquel il donnait chaque mois deux taëls d’argent en échange de quelques bons tuyaux sur les faits divers susceptibles d’intéresser les lecteurs du Weekly .
    —  Bonjour, Face Cachée ! J’ai hâte de savoir ce qui s’est passé d’intéressant pour moi dans cette maudite ville ! plaisanta le journaliste en décochant un grand sourire à l’homme dont les joues rebondies et luisantes comme des pommes astiquées témoignaient de la forte inclination pour la bouteille.
    Avec la mine entendue et satisfaite du traître de comédie qui livre un grand secret à son comparse, le policier lui chuchota dans le creux de l’oreille :
    —  J’ai jugé bon de placer le bol à l’endroit convenu parce qu’un nez long a été assassiné hier dans une maison de la concession française…
    —  Bigre ! Cela ne va pas arranger les affaires du consul de France… Déjà que ses compatriotes ne se bousculent pas au portillon. Mais dis-moi un peu, ce n’est tout de même pas l’horloger français qui a été tué   ?
    Face Cachée cracha sur le trottoir la chique de tabac qu’il avait emmagasinée dans sa bouche depuis son lever, se racla la gorge et expulsa un jet de salive brune qui toucha le flanc d’un chien galeux, lequel s’écarta aussitôt en poussant un drôle de cri.
    —  Les malfrats ne s’en sont pas pris à M. Rémy mais à un Anglais… à un de vos compatriotes !
    Bowles, peu enclin à parler du meurtre d’un Français aux lecteurs du Weekly , s’empressa de demander à son informateur :
    —  As-tu son nom   ?
    —  Stocklett. Nash Stocklett. C’est moi qui ai pris la déposition de son collègue, un certain Antoine Vuibert. Un nez long de France, pas très bavard…
    —  Qui a commis le crime   ? Des Occidentaux ou des Chinois   ?
    Le flic plissa les yeux, ce qui eut pour conséquence de les réduire à l’état de deux fentes, puis poussa un long soupir avant de déclarer sentencieusement :
    —  Personne n’en saura jamais rien, si ce n’est ce diable de Français, qui fut témoin du meurtre… Mais il m’a fait une description si vague du meurtrier que celui-ci peut dormir sur ses deux oreilles. Mon travail s’annonce très difficile…
    En d’autres circonstances, John eût éclaté de rire. Il n’y avait aucune sorte d’illusion à se faire quant à l’élucidation d’un tel crime. Chacun savait qu’à Shanghai – comme partout ailleurs – aucune enquête criminelle n’aboutissait jamais, à moins que la police n’y fût dûment encouragée par des proches des victimes, à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes…
    —  Si tu as du nouveau, n’oublie pas de me prévenir.
    Lorsque Bowles déboula, hors d’haleine, chez Antoine Vuibert, il le trouva assis sur une chaise, le regard vide et hors du temps, devant une bouteille de cognac dont il venait de boire la dernière goutte.
    —  Décidément, vous avez le chic pour vous mettre dans des situations périlleuses, fit le journaliste en guise d’entrée en matière.
    —  Je l’ai échappé belle… Lorsque les malfrats sont entrés ici, je venais de sortir faire une course… Ce pauvre Nash n’a pas eu cette chance… marmonna Antoine, livide et frissonnant, comme s’il sortait d’un mauvais songe.
    Mais étant donné qu’il n’avait aucune envie de voir s’étaler dans la presse des éléments qui eussent nui à la mémoire de son compagnon, il se garda de raconter à Bowles l’enchaînement des faits qui avaient abouti au meurtre.
    Car contrairement à ses dires, le Français était bien là, dans la maison, au moment où les faits s’étaient produits. Mais s’il avait échappé à la mort, c’était grâce à Stocklett lequel, d’un coup sec, avait eu le temps de refermer la trappe qui menait de la salle commune à la cave où le Français était descendu prendre une bouteille de whisky à l’instant précis où Jarmil et Deux Fois Plus de Chance avaient fait irruption chez eux, un poignard à la main. Sous les pieds de Stocklett qui,

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