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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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n’avait été aussi désirable. Il avait réellement, profondément aimé Irina Datchenko. Peut-être, même, avait-elle été son unique amour !
    Il se mit à frissonner en même temps que son regard errait avec nostalgie d’une montagne factice à l’autre, enjambant les rivières artificielles avant de s’arrêter sur la guirlande de chrysanthèmes dont le jardinier en chef arrivait à faire durer la floraison jusqu’en janvier. D’habitude, un simple contact avec cette nature savamment miniaturisée et reconstituée suffisait à le faire s’évader de la prison virtuelle dans laquelle se trouvaient inéluctablement enfermés, quels que soient le temps et l’espace, tous les dictateurs de son espèce qui exerçaient un pouvoir absolu sur leur peuple.
    Mais pour Daoguang, ce jour-là, c’était peine perdue.
    Le Fils du Ciel ne retrouvait pas ses marques. Désemparé à l’extrême, il ne parvenait pas à oublier les termes du rapport que le chef Liang lui avait remis la veille au soir. Secs comme des coups de fouet, précis comme des pointes de flèche et tranchants comme des lames, ils l’avaient touché au cœur. Daoguang avait passé une bonne partie de la nuit à le lire en long et en large, plusieurs fois de suite. Une fois sa lecture achevée, il n’avait pas fermé l’œil. Son contenu se passait de commentaires. Le chef de la police impériale de Canton commençait par remercier le Fils du Ciel pour la confiance insigne qu’il lui avait témoignée en lui demandant de procéder à l’élimination de la femme nez long dénommée la Sibérienne… comme si c’était lui-même qui avait donné l’ordre d’abattre la femme qu’il aimait ! C’était le système qui en avait décidé ainsi, dans son dos et sans même qu’il l’eût demandé ! S’il n’avait tenu qu’à lui, la Sibérienne aurait eu la vie sauve ! D’ailleurs, l’édit sur lequel on lui avait demandé d’apposer son cachet stipulait qu’Irina Datchenko, après l’affront qu’elle avait fait subir au Fils du Ciel en déclenchant un terrible scandale qui risquait de ternir à jamais l’image de la cour de Chine, devait être capturée par tous les moyens. Par quelle alchimie bizarre cet ordre de capture s’était-il transformé en autorisation d’assassiner   ? Daoguang n’en avait pas la moindre idée. Prisonnier à vie de la Cité Interdite, surveillé jour et nuit dans ses moindres mouvements, il était le moins bien placé pour se livrer à une telle enquête. Il aurait fallu suivre pas à pas et d’échelon en échelon le cheminement de son édit jusqu’au chef Liang, afin de déterminer l’endroit exact où le terme de « capture » avait été remplacé par celui d’» éliminer »…
    Pauvre de lui ! Quelle eût été sa réaction s’il avait su que la modification avait eu lieu à quelques mètres de son bureau, dans celui du Grand Chambellan en personne   ? Il avait suffi à un calligraphe expérimenté de gratter un caractère et de le remplacer par un autre…
    Daoguang se pencha au-dessus d’une mare qui épousait les contours de la mer de Chine d’où émergeaient trois tortues de bronze, et y vit sa face terne, vieillie, abîmée, de souverain incapable de se faire respecter.
    Avec une émotion mêlée de rage, il repensa aux dérisoires menaces d’Irina : « Si vous ne me rendez pas mon fils, je parlerai aux journaux occidentaux ! La terre entière connaîtra l’existence de La Pierre de Lune et vous passerez pour un père indigne ! » D’une telle issue, Daoguang se moquait comme d’une guigne. Il n’avait aucune idée, et pour cause, de ce que pouvait être cette « opinion publique » dont Irina semblait faire si grand cas. Que quelques rares lettrés anglais – Daoguang n’avait aucune idée de ce que pouvait représenter la diffusion d’un grand journal londonien comme l’ Illustrated London News  – eussent connaissance de l’existence de son fils caché lui semblait parfaitement anodin et même plutôt amusant. Le Fils du Ciel s’estimant sincèrement d’une essence supérieure à celle des autres hommes, même lorsqu’ils n’étaient pas ses sujets, peu lui importait, par conséquent, leur jugement. Bien plus que ses éventuels bavardages, c’était la violence du courroux d’Irina qui avait touché au cœur l’orgueilleux Fils du Ciel. Depuis qu’elle lui avait fait faux bond une nouvelle fois, il avait constaté qu’il n’avait jamais

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