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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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plus.
    — Ce n’est pas exactement ce que je voulais dire…
    — J’ai compris. Ce que vous voulez dire, c’est que je ne suis pas à ma place. Partout où je vais c’est comme ça. Même à Paris.
    — Oh, Louis…
    Mais il avait raison. C’était bien ce qu’elle avait voulu dire.
    Il lui remit sa généreuse portion de petits-fours et déboucha l’un des gros cruchons de Bagneux couleur prune qu’il planta au centre du tapis avec des gobelets en bois pris dans ses fontes. Il roula le bouchon de cire et le mit de côté.
    — Ce vin-là n’aura pas un goût de mâchefer, dit-il.
    — C’est dommage qu’il n’y ait pas de poisson abordable. Montrez-moi ce que vous avez là. C’est aux œufs ?
    Elle prit le poignet de Louis et mordit dans la pâtisserie qu’il tenait avant de dire, sans transition :
    — Cela doit être à cause de votre stature, que vous n’avez pas l’air dans votre élément. Pourtant, vous m’avez déjà dit une fois que votre mère était petite comme moi. Vous devez donc tenir cela de votre père. Ne me regardez pas ainsi, voyons. On dirait que vous avez honte de lui. Vous n’en parlez jamais.
    — Il n’y a rien à en dire.
    — Je ne vous crois pas. Louis, ne pensez-vous pas que, maintenant, vous pouvez vous permettre de me faire connaître vos parents ?
    — À quoi bon ? Ils sont morts. Excusez-moi un instant.
    Il se leva et alla dans la tente, sous prétexte d’y prendre quelque chose dont Jehanne ne vit jamais la couleur. Elle décida qu’il valait mieux ne pas insister.
    — Quel merveilleux esprit de famille, murmura Sam.
    — Chut, il revient.
    Louis vint se rasseoir. Jehanne s’efforça de le remettre à l’aise et changea de sujet :
    — C’est Margot et Blandine qui doivent bien s’amuser. On n’a retrouvé personne de la maison depuis qu’on est arrivés. Ça va leur faire du bien de changer d’air.
    Elle mordit avec délices dans un petit-four tendre, tenant précautionneusement la main dessous pour recueillir la garniture qui s’en échappait.
    Sam se versa un second gobelet de vin et profita de l’occasion pour ajouter les deux gorgées qui manquaient à celui de Jehanne, qui reprit :
    — Une partie du plaisir consiste aussi à savourer des aliments qu’on n’a pas soi-même préparés.
    Sam se tourna vers Louis.
    — Si vous voulez un conseil, Baillehache… Non, ne me dites rien, je sais : vous ne voulez pas de conseil. Je vous connais bien. Mais, cela dit sans vous offusquer, vous devriez emmener votre femme en ville plus souvent.
    — Oh, oui, j’aimerais beaucoup cela, dit Jehanne en prenant le bras de Louis à deux mains.
    — Quand j’y viens, c’est pour travailler et je n’aime pas la laisser seule, dit-il.
    — On pourrait s’arranger pour qu’elle ne soit pas seule. Je lui enverrai Desdémone.
    La compagne de l’Écossais fit à Jehanne un sourire inquiet, comme si elle avait besoin d’être rassurée par elle.
    — Bonne idée, dit Jehanne en posant affectueusement la main sur celle de la femme.
    — Et toi, pendant ce temps-là, que feras-tu ? demanda Louis à Sam.
    — Eh bien, moi aussi je travaillerai, pardi !
    — Toi ? Tire-au-flanc comme tu l’es ?
    — Peuh ! Figurez-vous donc que, depuis mon retour d’Espagne, les commandes affluent.
    — Des commandes ?
    — Oui, de peintures. Imaginez-vous donc qu’un vieux maître italien m’a même conseillé d’y ajouter ma signature. Amusant, non ? Au fait, j’aimerais bien ravoir ce portrait que j’ai fait de vous il y a quelques années. Ça date un peu et ma technique s’est grandement améliorée depuis, mais justement, j’aimerais l’étudier à la lumière de ce que je sais maintenant.
    — À ta guise. Je te l’apporterai.
    Le portrait n’avait jamais quitté l’ancienne chambrette de Sam. Louis ajouta :
    — Seulement, c’est un emprunt et rien d’autre. Tu devras me le remettre.
    — Comment ça, vous le remettre ? C’est à moi !
    — Tu l’as abandonné lorsque tu es parti. Et puis, c’est trop tard, je l’ai déjà promis à quelqu’un d’autre.
    — Vous ne m’aviez pas dit cela, intervint Jehanne.
    — Qui veut l’avoir ? demanda Sam.
    — L’abbé Antoine.
    Incrédule, Sam cligna de ses yeux verts. Il ignorait que son travail pouvait être connu aussi loin qu’à Paris.
    — L’abbé de Saint-Germain-des-Prés ?
    — L’idée est de lui, dit Louis calmement.
    Il avait jusque-là

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