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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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monter.
    — Tenu.
    Le gamin grimpa sur l’estrade et tira la langue à sa bande d’amis.
    — Bon Dieu de bon Dieu ! Mais où je vais trouver des fraises, moi ?
    — De quoi parlent-ils, d’après vous ? demanda Jehanne à Louis, qui haussa les épaules.
    À peine deux minutes plus tard, alors que le gamin se donnait en spectacle à ses congénères avec une suite de clowneries enfantines, quelqu’un leva à bout de bras une imitation de billot, en l’occurrence un gros seau, qui roula dans sa direction. L’enfant dut l’arrêter de ses deux mains. Il ahana en le traînant jusqu’au centre de la plate-forme et s’assit dessus pour reprendre son souffle.
    — Oh ! je viens de péter dessus, dit-il.
    Les autres gamins, hilares, s’écartèrent pour livrer passage à une espèce de géant d’allure bizarre, à pattes de héron : vêtu d’une longue cape noire, il avait peine à se tenir debout sur des échasses maladroites qui étaient soigneusement dissimulées sous son vêtement. Il semblait prêt de se casser en deux. Sa tête trop petite était coiffée d’une cagoule si ample que les trous pour les yeux lui arrivaient vis-à-vis des joues. Il dut se faire aider pour grimper sur l’estrade. Sous l’hilarité générale, il commença par se tromper de direction et s’en alla au bout opposé de l’estrade. Le garçon leva la jambe et lâcha un autre pet.
    — Hé, par ici, Baillehache, appela-t-il.
    Jehanne et Desdémone, qui était de retour juste à temps pour ne rien manquer, tournèrent toutes deux la tête vers Louis, comme bien d’autres qui se trouvaient à proximité. Le bourreau n’était pas reconnu pour son sens de l’humour. Il les surprit tous en levant son cruchon de vin, avec au visage une expression qui ressemblait à de l’indulgence. Ils furent nombreux à l’en applaudir.
    Pendant ce temps, le faux géant s’était rapproché de sa présumée victime. Il gronda, d’une voix forcée vers la basse :
    — Mais c’est que j’y vois rien du tout, moi, avec ce truc !
    Et il arracha sa coiffure. Il était bien connu que Louis était l’un des rares bourreaux, si ce n’était pas le seul, à officier le visage découvert. L’acteur portait un masque, qui fut à demi soulevé par la cagoule. On eut quand même le temps d’apercevoir un peu de barbe rousse avant qu’il ne le replace. Le masque farfelu, garni de cheveux raides et noirs, caricaturait le visage de Louis d’une façon suffisamment reconnaissable pour que l’on pût trouver comiques les deux canines pointues qui y avaient été ajoutées.
    — C’est Sam ! s’exclama Jehanne. Vous avez vu ?
    — Oui.
    — Moi, j’étais déjà au courant, dit Desdémone, gênée.
    Louis rajouta :
    — C’est bien de lui, et je trouve ça de très mauvais goût.
    Il fronça les sourcils en direction du gamin. C’était la présence de l’enfant en tant que victime, bien plus que sa propre caricature, qu’il désapprouvait.
    Le faux bourreau se dandina jusqu’au bord de l’estrade.
    — Attention de ne pas tomber, bourrel*, t’as trop bu, cria quelqu’un dans la foule.
    Sam se frappa la poitrine et tituba dangereusement sur ses échasses qu’un vent fripon dévoila quelques secondes. Il dit :
    — Je suis le maître Baillehache, la terreur de cette cité, et je vais maintenant appliquer la justice ! Mais je veux bien me montrer magnanime. À vous de choisir : la hart*…
    Il s’empressa de fouiller sous sa cape, d’où il tira un nœud coulant mal fichu au bout d’une corde d’environ deux aunes en même temps qu’un peu du rembourrage dont il avait cherché à s’étoffer, sans grand succès, d’ailleurs, tous les bouts d’étoffe étant descendus au niveau de sa ceinture.
    — Je parie que c’est la chevestre* que j’ai apportée et qu’il m’a prise, fit remarquer Louis.
    — Vous avez apporté de la chevestre* ? demanda Jehanne.
    Louis ne répondit pas. Le faux bourreau tendit la main et l’agita pour attirer l’attention du légionnaire adolescent qui, nerveux comme il l’était, avait oublié tout ce qui n’était pas sa propre représentation. Il sursauta et finit enfin par remettre à Sam son glaive en toc. L’échassier le prit et le brandit, tandis qu’il présentait la corde de son autre main.
    — … ou l’épée ?
    Les gens enthousiastes se mirent à voter pêle-mêle, tandis que le garçon continuait à faire des simagrées derrière le dos de Sam. Il

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