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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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soi-disant compagne, il ne s’attirait plus la méfiance de Louis ; le bourreau était même allé jusqu’à accepter avec bonhomie son invitation à souper, ce qui allait bien au-delà de ce qu’il s’était permis d’espérer.
    Desdémone, elle, se prêtait volontiers au jeu. En laissant croire à Sam qu’elle y participait pour de l’argent, elle profitait de l’occasion qui lui était donnée afin d’observer les choses de plus près. Elle avait bien sa petite idée sur ce qui pouvait motiver l’Escot* à élaborer ses manigances avec l’aide de sa complicité : elle avait affaire à un triangle amoureux. Si son hypothèse s’avérait exacte, le plan de Sam allait lui permettre, à elle aussi, d’assouvir sa vengeance.
    Pendant toute la durée de sa promenade, seules trois autres personnes croisèrent le chemin du couple. Il s’agissait d’habitants du village de pêche qui somnolaient à proximité. En cette fin d’après-midi, tout le monde était déjà rendu à la fête.
    Jehanne et Louis se baladaient en silence dans cette incomparable quiétude de la mer lorsque celle-ci, enfin délaissée par les occupations humaines, peut se permettre de redevenir elle-même. L’océan nacré soutenait encore quelques voiles lointaines oubliées par cette belle journée d’été. En de nombreux endroits, le sable soyeux n’avait été dérangé que par la lente respiration des vagues. Un groupe de goélands survolait attentivement une petite crique isolée où avait été retenu un vieux bateau de pêche. Un pétrel brun réquisitionna l’esquif pour son usage personnel, à leur grand déplaisir. Les eaux parfumaient l’air d’une présence capiteuse, vénérable, antérieure à la terre. À un endroit où de minces lames d’eau venaient lécher le sable s’était déposée une chaîne de petits coquillages qu’un goéland solitaire survolait, se laissant prendre à leur blancheur. Louis se pencha pour en ramasser un qui était ébréché. Il l’examina en le retournant avec l’index dans la paume de sa main et le tendit à Jehanne qui le prit.
    — Aitken nous attend pour le souper, annonça-t-il.
    — Ah ? Quelle agréable surprise.
    Elle espéra que le ton de sa voix ne trahissait rien de son émoi. S’il le fit, Louis feignit de ne rien remarquer.
    — Il sera accompagné. Quelqu’un de notre connaissance.
    Il regarda un goéland manœuvrer pour se percher sur un petit poteau mal planté qui devait être le vestige d’une ancienne clôture affaissée parmi les herbes rêches d’une pente.
    D’abord, Jehanne baissa sa tête coiffée d’une capeline légère. Lorsque, peu après, elle leva à nouveau son regard gris sur Louis, elle serrait les dents et dit, résolue :
    — C’est sans doute pour le mieux. Oui. Maintenant, puisque quelqu’un comble enfin le vide de son cœur, le revoir ne me sera plus une aussi grande épreuve.
    — Je suis heureux de vous l’entendre dire.
    Ils allèrent s’asseoir sur la plage avec l’intention d’y attendre le coucher du soleil dans l’air déjà doré. De petites lames pressées venaient s’incliner à leurs pieds comme des serfs impatients de rendre hommage à leur seigneur. Bientôt, la brise marine leur apporta les premiers fragments de musique émaillés de battements de tambourins. Un second couple s’était détaché de la masse de fêtards et s’en venait dans leur direction. C’était Sam et Desdémone. L’Écossais leur proposa d’aller faire un tour du côté du petit bois qui entourait le village de pêche.
    — Je connais près de là un lieu qui va vous plaire, dit-il, avant de faire circuler un cruchon de vin.
    Le quatuor se mit en route. Il ne mit pas longtemps à pénétrer sous le couvert des arbres. Là, l’air encore salin devenait plus frais et se chargeait d’une senteur sauvage qui incitait à l’ivresse de vivre. Quelque part dans les frondaisons, un geai qui ne voulait pas être indiscret signala sa présence avant de disparaître parmi le feuillage dense.
    — J’aime beaucoup cet endroit, dit-il en regardant Jehanne. Il me rappelle notre forêt.
    Desdémone, quant à elle, les suivait sans dire un mot. Elle ne quittait pas Louis de ses grands yeux terrorisés.
    — Quelle forêt ? demanda ce dernier.
    — La forêt, je veux dire. Celle où j’ai grandi, corrigea le jeune homme.
    — Ah oui, celle-là. Un peu plus et tu y grandirais encore… Faites excuse, ça m’a échappé.
    Avant que

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