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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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quiconque eût le temps de trouver une réplique, Sam s’immobilisa soudain et marmonna, son œil presque fermé clignant vaguement :
    — Chut. Regardez.
    Une tourterelle toute ronde s’était posée sur son épaule. Elle se mit à le becqueter délicatement, sélectionnant avec soin le poil de barbe qu’il convenait de lui arracher.
    — Aïe, ne fais pas ça, petite bête, tu me pinces. Viens plutôt te poser dans ma main.
    — Incroyable, dit Jehanne. Où est Desdémone ? Il faut qu’elle voie cela.
    — Je suis là. J’ai trouvé près de ce chêne crochu là-bas une espèce de grandes fougères comme on en voit rarement. Dis donc, l’Escot*, ne peux-tu pas utiliser un rasoir comme tout le monde ?
    Le bec verni de l’oiseau picora le menton de Sam alors que ce dernier souriait avec précaution, tournant à peine la tête. Il dit :
    — Elle m’en arrache un chaque fois que je viens par ici. On dirait une sorte de taxe. Si cela continue ainsi, je vais finir tonsuré comme notre bon petit père. Sauf que ce ne sera pas au bon endroit.
    Un écureuil invisible leur expédia une bordée de jurons depuis un grand pin, et la tourterelle s’en alla, un poil roux dans le bec. Après avoir bu chacun un coup à même le goulot du cruchon, ils reprirent leur marche.
    — On pourrait entraîner toutes les tourterelles de cette forêt à reconnaître les Anglesches et à leur tondre leur sale caboche, reprit Sam. Ainsi ils seraient épouillés et déjà tout prêts pour vous, Baillehache.
    — Oh, Sam ! s’indigna Jehanne.
    Desdémone ricana nerveusement et trébucha dans une racine.
    — Le rasoir, c’est plus rapide, expliqua Louis comme si Sam avait parlé sérieusement.
    — Au fait, vous étiez au courant que le Mauvais a tenté de monnayer son alliance avec eux et qu’avant de trépasser Édouard de Woodstock lui a refusé la vicomté de Limoges (25)  ?
    — J’en ai entendu parler, oui, dit Louis.
    — Eh bien, le Navarrais a fait, comme à son habitude, le chafouin : il s’est tourné du côté de son « cher » cousin le roi de France et ils ont dépoussiéré ce traité de 1365, celui de Vernon. Il s’est fait confirmer la donation de Montpellier et a rendu hommage au roi de France. En plus, il lui a remis ses deux fils en otage. À l’heure qu’il est, ils se font élever à la Cour.
    — Tant mieux. Avec ça, il va peut-être enfin se tenir tranquille.
    — Oui, mais en tout cas, ça nous ferait des Anglesches de plus qui sauraient prendre leur trou. Je suppose que… Ah ! Merde !
    Le pied du jeune homme venait de s’enfoncer dans un trou boueux qui datait de la dernière averse.
    — À propos de trou, tu viens d’en dénicher un bien à toi, dit Louis.
    Les deux femmes éclatèrent de rire tandis que Sam s’agenouillait pour repêcher une heuse* dont l’apparence extérieure s’était considérablement modifiée.
    Le cruchon de vin était vide lorsqu’ils furent de retour au vaste campement qui avait été monté tout au long de la journée sur un plateau rocheux surplombant la plage. Les humeurs et les pieds s’allégeaient de plus en plus et même Desdémone avait cessé de jeter ses incessants coups d’œil angoissés en direction du bourreau. Les deux couples faisaient le tour des auvents afin de s’acheter de quoi souper.
    — Je veux bien croire que c’est du poisson de mer frais péché, mais trois francs et demi pour un petit panier de rien du tout, c’est un peu cher. Surtout que j’ai envie de dragées.
    Sam jeta un regard de travers à Louis et serra les mâchoires.
    — Chère petite Jehanne. Gourmande, mais pas orgueilleuse pour deux sous.
    — Qu’entends-tu par là ? Bon, je crois bien avoir fait mon choix. Ces rissoles*, là-bas. Ces petits pâtés frits ne sont pas dispendieux et on les garnit de hachis de viande. J’en ai même vu aux œufs. Ils ont l’air bons… Louis ?
    — Ça me va.
    — Moi, j’ai le vin dans ma besace, comme promis, dit Sam. Ah, Jehanne, ne te mets pas en tête de me réprimander. Quand tu es là, mon ivresse est sereine. Tiens, voilà que je me mets à parler comme notre moine.
    Une fois les rissoles* achetées à l’étal voisin d’un oubloyer*, ils revinrent s’installer devant leur tente pour manger.
    Jehanne dit à Louis :
    — C’est drôle de vous voir parmi tout ce monde. On dirait… comment dire ? Cela me donne l’impression que vous n’êtes pas d’ici.
    — Je ne le suis pas non

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