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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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courroux rendait son visage terrifiant, ce n’était rien en comparaison de ce qui s’y substitua peu à peu. Cela commença par de l’incrédulité.
    — Qu’est-ce que…
    Il s’avança lentement vers elle, abaissant les yeux sur le cuvier, apparemment sans comprendre. Lorsqu’il leva de nouveau les yeux vers elle, Jehanne sentit son âme se dissoudre. Ces yeux qu’il avait ! Ils exprimaient l’effroi à l’état pur et toute la détresse de l’enfant trahi. Ces yeux, ils lui marquèrent l’âme comme un fer.
    Sa canne lui glissa des mains. Il demanda d’une voix lointaine, très douce :
    — Un enfant, Jehanne ?
    Elle renifla et ne parvint qu’à faire un faible signe d’assentiment. Il saisit la jeune femme par sa capeline et les cheveux moites qui bouclaient sur son front et la tira hors du cuvier. Elle se cramponna à lui. Consterné, haletant bruyamment, il la fit asseoir avec maladresse sur un long banc et s’agenouilla en vitesse à ses pieds. Le côté gauche de son visage fut parcouru de tressaillements. Tout son bras gauche fut en proie à de violentes secousses et le coin de ses lèvres se retroussa d’une façon incontrôlable, le contraignant à afficher un rictus cruel. Il se mit à émettre d’étranges petits grognements.
    — Non, pas cela, non, souffla Jehanne.
    Doublement terrorisée par la perspective d’une crise de haut mal, elle n’osait toucher à son mari.
    — Sam… ne lui faites pas de mal. Pardonnez-nous, Louis. Je vous en prie… J’ai tellement peur de… de…
    D’un mouvement brusque qu’il n’avait pas voulu tel, il appuya la joue contre la rondeur encore subtile du ventre. Ses yeux n’étaient pas révulsés, mais exorbités et trop fixes. Il articula péniblement, sa diction se faisant laborieuse comme celle d’un ivrogne :
    — M-ma ré-ser-ve de j-juniperus sabin-na*… c-c’était vous ?
    Jehanne se mordit la lèvre inférieure, mais ne nia pas. Il fut secoué d’un douloureux sanglot sec.
    — C-c’est pas sa f-faute à lui, c-ce qui arri-arrive… Vous… la mère… Co-comment p-pouvez-vous faire ça ?
    Haletant, il leva sur elle un regard suppliant. Un peu de salive lui coulait sur le menton.
    — Je ne sais pas, dit-elle avant de se mettre à pleurer.
    Ses larmes brûlantes allèrent se perdre dans les cheveux raides de Louis. « Il a raison. Je suis un monstre », songea-t-elle.
    — Je ne voulais pas faire cela. C’est la peur. J’avais peur de vous.
    Dans son courroux, il s’était abstenu de la frapper et maintenant, dans une sorte de douceur, il ne savait plus quoi faire.
    — M-moi aus-si, j’ai peur, dit-il.
    Louis avait peur d’elle. « Une femme capable de commettre une telle horreur est capable de tout », se disait-il. Celle qu’il avait devant lui ne pouvait être sa Jehanne. Il se sentait perdu.
    Jehanne posa une main craintive sur la tête de son mari et lui caressa les cheveux. Délicatement, elle tenta de repousser la mèche raide qui lui retombait sans cesse devant un œil. Il se laissa faire comme s’il était subjugué par cette caresse maternelle.
    — L-les enf-fants… on n-ne touche pas, dit-il.
    Derrière lui, Desdémone remua en gémissant. Sa réaction ne se fit pas attendre : il adossa fermement Jehanne contre le mur et prit appui sur elle pour se relever. Chancelant et hagard, il se détourna pour renverser le cuvier d’un furieux coup de pied qui manqua lui faire perdre l’équilibre. Desdémone fut aspergée par le liquide brûlant qui se retrouva captif de ses vêtements. Elle hurla de douleur et se tortilla sur le plancher. D’un second coup de pied, Louis projeta la bassine vide contre elle et tituba dans sa direction. Il se pencha pour la soulever de sa main valide.
    — Louis, non… dit Jehanne de son coin d’où elle n’osait pas bouger.
    Desdémone, quant à elle, commença à se débattre si violemment qu’elle entraîna Louis avec elle dans sa chute sur le plancher devenu glissant. Il l’écrasa sous son propre poids, apparemment sans même remarquer qu’il était tombé. En proie à une sorte de panique, il se mit à déchirer à grands coups de griffures le corsage défraîchi et à tirer dessus avec rudesse, comme un violeur. Puis il se redressa afin de rouer la femme de coups de poing aveugles, partout où il pouvait l’atteindre. Il n’entendit pas les cris de Jehanne qui se mêlaient à ceux de sa victime. Ses lèvres se retroussèrent méchamment quand il fut

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