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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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table de chevet, mettez-le au feu pour moi.
    Jehanne était allée prendre le parchemin roulé dont le sceau n’avait jamais été brisé.
    — Êtes-vous certaine que vous voulez faire cela, Desdémone ? Ce document m’a l’air important. On dirait presque un acte notarié.
    — Vous dites vrai, c’est à s’y méprendre. Mais en fait, ça n’est qu’un document personnel. Une pauvre lettre d’amour qui n’a plus lieu d’être.
    — Oh… je suis désolée. Pardonnez-moi ma trop grande curiosité. Je n’ai pas voulu vous blesser.
    — Soyez tranquille, je n’y vois pas d’offense.
    D’une main que la nervosité due à la perspective de l’avortement avait rendue tremblante, la jeune femme s’était empressée de jeter le rouleau dans l’âtre, où il s’était tortillé en se consumant comme une chose vivante. Le sceau, en fondant, s’était transformé en une seule grosse goutte écarlate qui avait fait grésiller les flammes. Jehanne s’était retournée vers Desdémone. La femme lui avait souri, les yeux mi-clos, et lui avait dit :
    — Quelle sotte vous faites, papesse Jeanne (38) . Vous vous croyiez la plus forte, hein ? Mais vous n’êtes pas maligne. Je vous ai bien eus, tous. D’abord l’Escot*, qui se croyait plus futé que moi avec ses petites faveurs, mais surtout Louis et vous. Toute malade que je suis, je vous ai eus.
    Jehanne, interdite, avait écouté cela sans y croire et avait demandé :
    — Mais… Desdémone, que vous arrive-t-il ? L’avorteuse avait souri de plus belle.
    — Rien. J’attendais mon heure pour vous avoir et voilà, c’est chose faite. J’en tiens même un de plus, un rejeton que je n’aurais jamais cru avoir.
    Elle montra l’âtre d’un doigt crochu et dit :
    — C’était l’unique copie du testament de Bertine. Il m’a été très aisé de le lui dérober puisqu’elle me croit folle et ne se méfie plus de moi depuis longtemps. Elle y léguait toute sa fortune à votre salaud de mari qui a jeté ses rets sur vous. Vous avez failli devenir très riches, tous les deux.
    Jehanne s’était retournée vers le foyer où toute trace du parchemin avait disparu. Elle avait sursauté lorsque Desdémone avait déposé la bassine à ses pieds.
    — Allez, la bourrelle*, déchaussez-vous et hop ! là-dedans, qu’on lui règle son sort à votre mioche, maintenant qu’on s’est bien occupées de celui de son père.
    Pendant un instant, Jehanne avait été tentée de reprendre sa mante et de quitter au plus vite ce lieu maudit et cette femme qui s’était si subitement muée en sorcière hargneuse. Mais elle avait hésité. Elle ne pouvait pas s’accorder le luxe de partir à la recherche d’une autre avorteuse. Sa présence en ville, surtout en solitaire, risquait de trop attirer l’attention et d’être rapidement signalée à son mari. Elle n’avait plus le temps ni le choix. Elle le savait. Desdémone aussi le savait et manifestement, elle en profitait.
    Elle s’était donc docilement confiée aux soins sinistres de la sorcière.
    — Je ne sais pas, mais moi, à votre place, je m’en irais louer une chambre à l’auberge aussitôt après, dit quelque part dans la chambre la voix odieuse. Parce que, quand ça va sortir, vous ne vous sentirez pas d’humeur à caracoler en ville.
    Sur le point de se trouver mal, Jehanne n’eut pas le temps de lui répondre. Quelqu’un essayait soudain d’ouvrir la porte qui était verrouillée.
    — Qui va là ? demanda Desdémone.
    Pas de réponse. Au lieu de cela, des coups puissants se mirent à ébranler l’huis, qui céda rapidement et alla donner contre le mur. À travers les épaisses vapeurs, Jehanne ne distingua qu’une grande ombre mouvante.
    — Sors d’ici, rugit Desdémone, qui sembla lancer un objet métallique en direction de l’ombre.
    Mais elle manqua sa cible et l’objet s’en alla tinter dans le passage. Un courant d’air dérangea les volutes blanchâtres qui enveloppaient Jehanne. L’homme, même vu de dos, lui fut parfaitement reconnaissable. Elle échappa ses jupes, dont le rebord s’abreuva de la médecine meurtrière.
    — Louis ?
    Cette canne rouge que l’homme brandissait… Ce ne pouvait être que lui. Il l’abattit violemment, de biais, frappant Desdémone à la tempe et fracassant plusieurs pots de grès qui suivirent la putain dans sa chute. Une fois qu’il se fut assuré qu’il l’avait bien assommée, il se tourna vers Jehanne. Si le

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