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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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sanglots muets le secouèrent. Sur le drap de lin blanc, quatre grosses larmes s’étoilèrent.
    — Le petit est sauf. Du moins pour l’instant, dit encore Louis.
    Sam leva vers lui un visage ruisselant et un regard sans profondeur, voilé par la somnolence. Il acquiesça. Mais ce n’était pas tout à fait pour la raison à laquelle pensait Louis. Il dit :
    — Et ta femme ?
    — Tiens ! Ma femme ?
    — Oui. J’y renonce.
    — Il était temps.
    — Comme tu dis.
    — Elle se remet.
    — « Celui qui ne peut mourir de son amour ne peut en vivre (39) . » Merci d’être venu.
    Louis recula, mais Sam le retint d’un geste vague.
    — Hé, emporte ce petit paquet. Là, sur la table de chevet. C’était à Desdémone. Fais disparaître ce qu’il y a dedans sans le montrer à personne.
    — Ça va, je le ferai, dit Louis en prenant l’objet en question. C’était un simple mouchoir noué qui, au toucher, semblait réunir de minuscules fragments.
    Sam cessa de combattre l’effet des sédatifs.
    — Du sang… paraît que j’en ai perdu beaucoup. Je me demande si… ça va me guérir…
    Seul le ruisseau qui traversait la forêt du domaine pouvait se montrer digne du secret que l’Écossais avait confié à son ennemi. Ce dernier longea la berge jusqu’à un endroit suffisamment éloigné du sentier pour que nul ne pût l’apercevoir et, là, il descendit de cheval et vida le contenu du mouchoir – qui appartenait à Jehanne – dans la paume de sa main. C’était une bague coupée en menus morceaux à l’aide d’une pince. Sam l’avait offerte à Desdémone pour se la concilier, il en était sûr. Et Desdémone l’avait refusée et brisée avant de la lui rendre. Parce que cette bague avait, dans son cœur à lui, d’abord été destinée à quelqu’un d’autre. Desdémone connaissait trop bien l’amour que Sam éprouvait pour Jehanne ; cette bague eût dû être portée par Jehanne, elle eût également dû lui être offerte par Louis. Cet objet, devenu clandestin autant entre les mains de l’Escot* qu’entre les siennes, représentait pour Desdémone un échec personnel, un symbole de l’union entre Louis et Jehanne, union qu’elle s’était juré de détruire, et de cela aussi Louis était sûr. L’or et une gemme unique palpitaient tristement sous la lumière cuivrée de cette fin d’après-midi avant de s’en aller s’éteindre au creux d’une cascatelle.
     « Tant de mal pour quelque chose qui n’existe pas », se dit Louis dont la main eût pu, elle, porter un anneau intact. Du moins l’eût-elle pu jusqu’à tout récemment. Car au-dedans de lui quelque chose de plus précieux que l’or s’était brisé. C’était sa confiance en Jehanne. La malédiction de Desdémone, symbolisée par la bague, semblait les avoir atteints.
    Le regard sombre de Louis s’attarda sur la cascatelle qui continuait à chantonner gaiement. Une grosse pierre polie formait creuset sous un endroit où un seul filet d’eau coulait, isolé de la source. Il s’accroupit pour regarder cela de plus près, caressant songeusement la roche érodée avec une grande patience par le seul travail du ruisseau.
    « Même la pierre finit par céder sous la force de l’eau », se dit-il, d’abord évasivement.
    Soudain il fronça les sourcils.
    « Mais oui. Ça vaut la peine d’essayer. »
    Il se releva et enfourcha sa monture qu’il lança à bride abattue, en sens inverse sur la route de Caen.
    La torture par l’eau n’était pas nouvelle pour Louis. Il connaissait bien les procédures utilisées par l’Inquisition, entre autres. C’était un travail très simple et peu fatigant pour le bourreau. Le supplice consistait d’abord à immobiliser la victime à l’aide d’une sorte de banc dont le plateau était épais et creux comme une auge. Il suffisait à contenir un homme couché de tout son long sur le dos. Une barre ronde était mise au fond, en travers, de façon à ce qu’elle tienne son dos soulevé. Une fois la victime étendue, sa tête était plus basse que ses pieds. Ses bras, ses mollets et ses cuisses étaient ensuite ligotés et tirés de façon à ce que la corde pénètre dans les chairs et le dissuade de trop bouger. Le bourreau posait sur le visage du patient un morceau d’étoffe mince qui l’aveuglait et l’empêchait presque de respirer. Ensuite, il n’avait plus qu’à verser dessus un mince filet d’eau. Invariablement, cela lui coulait dans la

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