Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
Vom Netzwerk:
travers le feuillage encore épais du jardin, éclairant l’avant-cour où se dressaient trois longues tables flanquées de bancs couverts de peaux de bêtes. Les domestiques allaient et venaient, portant d’énormes plateaux chargés de victuailles qu’ils disposaient au milieu des salières et des saucières. Nadia venait de compter cuillers et couteaux. Elle promena un œil critique sur les plats déjà servis : cuissots de sanglier rôtis, canards aux concombres, gélinottes aux prunes, pâtés de volaille, diverses gelées et beignets de toutes sortes… Quant aux boissons, son père avait ordonné qu’on serve de l’excellent vin de cerise et de l’eau-de-vie au miel, sans oublier des tonnelets entiers d’hydromel. Nadia jeta un regard de l’autre côté de la cour. Là aussi, tout était prêt : les serviteurs avaient ramassé et empilé du bois en prévision des feux de joie qu’on allumerait plus tard dans la soirée.
    Nadia se tourna vers la maison et aperçut une étrange créature vêtue d’une peau de mouton et affublée d’un masque grossièrement badigeonné. Elle pouffa de rire : c’était Philippos travesti en petit père Domovoï. Le garçon s’était bien débrouillé, son déguisement était comique mais aussi un peu effrayant, juste ce qu’il fallait ! Elle lui adressa un signe de tête approbateur. À cet instant, le boyard Grom apparut sur le perron. Il détailla Nadia de la tête aux pieds et claqua des lèvres en signe d’admiration. Elle eut un sourire. Ce soir, elle s’était coiffée et habillée en dame plutôt qu’en jeune fille. Elle portait une robe rouge orangé qui mettait en valeur sa jeune poitrine ferme, et ses cheveux torsadés étaient ornés de rubans brodés de perles.
    Nadia songea qu’elle aussi elle pouvait être fière de son père, bien qu’il eût dépassé la quarantaine. Grom avait été fort comme un lutteur de foire dans ses jeunes années. Aujourd’hui un ventre proéminent alourdissait son corps, mais cet embonpoint lui donnait un air de dignité et d’autorité qui impressionnait tout le monde.
    Elle était sur le point de rejoindre son père et Philippos quand un son de clochettes lui parvint de l’autre côté de la clôture. Était-ce Marfa ? Son amie ne manquait jamais l’occasion d’exhiber son joli équipage. Ou bien était-ce lui  ? Le cœur de Nadia se mit à battre la chamade. Elle longea l’allée qui menait au portail en se retenant de courir, adoptant un maintien digne et réservé. N’avait-elle pas décidé de lui imposer une nouvelle image d’elle-même, bien différente de celle qu’il connaissait ? Alors, autant qu’il s’en rende compte tout de suite ! Désormais, elle afficherait une indifférence de bon aloi. Plus de sourires entendus, plus de frôlements de main furtifs ! Elle avait bien écouté les conseils de sa vieille nounou : elle resterait distante et inaccessible – et cela, jusqu’à ce qu’il soit devenu fou amoureux d’elle. D’après cette brave Fania, c’était le moyen le plus sûr d’attirer un homme dans ses filets !
    Ces pensées lui traversèrent l’esprit en un éclair. Elle inspira profondément et ouvrit les battants du portail. Las ! Ce n’était que cette sotte de Marfa. Les deux amies se saluèrent.
    — Tu es très en beauté ce soir ! s’exclama Nadia en considérant la tenue de la jolie blonde. Cette coiffe te va à ravir !
    — Il est vrai que ce kakochnik 1 est particulièrement seyant. Quant à ma sarafane, j’adore le bleu – à cause de mes yeux, tu le sais bien !
    — Comment donc… Dommage que ce ne soit pas le même bleu, dit Nadia d’un ton mielleux.
    À cet instant, son père s’approcha et Marfa s’inclina devant le boyard. Nadia remarqua avec surprise le coup d’œil aguicheur que son amie lança à son père en se redressant. Celui-ci esquissa un petit sourire suffisant. « Il ne manquerait plus que ça ! songea Nadia, amusée malgré elle. Il faut que je veille à ce que cette effrontée laisse mon père tranquille ! » Elle prit la pulpeuse Marfa par la taille pour la conduire au fond de la cour, vers une coquette tonnelle, où elles s’installèrent sur un petit banc garni de coussins.
    — Il faut reconnaître que ton père a fière allure ! susurra Marfa. Cela dit… Est-ce qu’il nous honorera de sa présence pendant toute la soirée ?
    — À ton avis ? rétorqua Nadia. Puisqu’il te plaît tant, tu devrais être

Weitere Kostenlose Bücher