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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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Qu’importe ! Elle en avait assez de jouer la reine des glaces alors qu’en réalité elle fondait dès qu’il lui adressait la parole. Et Nadia se précipita vers celui qui lui tendait les bras.
    En proie à une amère mélancolie, Philippos regarda la jouvencelle s’éloigner. Nadia faisait preuve de la plus noire ingratitude ! Comment pouvait-elle le laisser choir comme un vieux chausson de tille après tout ce qu’il avait fait pour lui être agréable ? Il la suivit en traînant les pieds et se mêla à ceux qui faisaient cercle autour du feu. Dans un vaste espace laissé libre autour des flammes, des silhouettes agiles bondissaient par-dessus le bûcher. Il vit Nadia se joindre à eux. Elle prit son élan, releva ses jupons et sauta, découvrant ses jolies jambes jusqu’aux genoux. Les garçons l’acclamèrent en riant et en sifflant. Philippos détourna la tête, dégoûté.
    — A-t-elle donc besoin d’être admirée par cette bande d’abrutis ? murmura-t-il avec tristesse.
    — C’est un plaisir bien innocent, lui répondit une voix féminine.
    Philippos leva les yeux : Svetlana, l’épouse d’Igor, se tenait près de lui.
    — Et il est le privilège des jeunes filles, poursuivit-elle en souriant. Plus tard, nous autres femmes n’aurons d’autres joies que l’union consacrée. Nous passerons le reste de notre vie confinées dans l’ombre et l’indifférence !
    Philippos la dévisagea sans répondre. La lueur tremblante des flammes colorait son visage d’ordinaire si pâle et animait ses traits menus qui paraissaient d’une beauté féerique. Elle portait une coiffe à l’ancienne, le front ceint d’un mince anneau d’argent, la nuque et les épaules recouvertes d’un voile qui dissimulait ses cheveux blonds. Cette coiffure sobre faisait ressortir l’éclat de ses iris couleur d’émeraude.
    — Quant à toi, tu ne devrais pas faire attention aux manèges des coquettes, reprit Svetlana. Plus les garçons soupirent, plus on aime à les faire souffrir !
    Philippos esquissa un sourire indécis. La remarque de la jeune femme l’avait apaisé et vexé à la fois.
    — Sois sans crainte, dame Svetlana ! s’empressa-t-il de répliquer. Je n’ai nulle disposition à souffrir pour si peu de choses !
    À cet instant, un petit objet ovale roula à ses pieds. Il le ramassa prestement.
    C’était un flacon grand comme la moitié de sa paume, en terre cuite rouge, orné d’un motif géométrique noir. La fiole avait sans doute glissé de la poche d’un des gaillards qui gambadaient autour des flammes. Elle était vide, le bouchon manquait. Avant de demander à qui elle appartenait, Philippos la porta d’un geste machinal à son nez. Il tressaillit, un frisson parcourut tout son corps : il avait reconnu le parfum d’Olga – ou plutôt celui de son assassin, le passant mystérieux que Nadia et lui avaient croisé lors de leur escapade nocturne. Il leva les yeux et promena un regard aigu sur les visages que le feu de joie éclairait d’une lumière crue. Les jeunes gens sautaient en riant par-dessus le bûcher l’un après l’autre, puis couraient se placer derrière ceux qui attendaient leur tour. Aucun ne faisait mine de chercher quelque chose.
    Les doigts serrés sur sa précieuse trouvaille, le garçon se tourna vers Svetlana et fut frappé par son expression grave. Elle fixait quelqu’un dans la foule des spectateurs. Il voulut lui demander ce qui la captivait à ce point quand une voix perçante se mit à cracher des injures, couvrant le brouhaha alentour. Philippos repéra aussitôt le malotru : c’était Kassian, le jeune homme aux cheveux de jais et aux prunelles azur qui plaisait à Nadia. Il se tenait à quelques pas du feu et invectivait Igor qui lui faisait face. Pour une fois, Kassian n’était pas beau à voir ! Sa chapka de zibeline posée de guingois, son caftan déboutonné, il avait les yeux injectés de sang et ses mains écartées tremblaient violemment.
    — Visez-moi ce fourbe sans cœur et sans honneur ! beugla-t-il d’une voix avinée en désignant Igor. Savez-vous ce qu’il pense, ce débauché vautré dans le vice ? Comme il est marié aux yeux du monde, ses forfaits resteront cachés, ni vu ni connu… Mais moi, je vois clair en lui, et je parle droit !
    Kassian eut un hoquet. Il vacilla, parvint à se redresser et repoussa sa chapka sur la nuque d’un geste crâneur. Igor ne broncha pas. Tête nue, il passa ses doigts dans sa

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