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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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vous y ai précipitée aussi ! Ah mon Dieu… s’il vous était
arrivé malheur par ma faute…
    Elle le sentit frissonner contre
elle et s’en voulut de sa dureté.
    — Là n’est pas l’objet de mon
déplaisir. Pourquoi t’es-tu mis une telle folie en tête ?
    L’exaltation remplaça l’embarras et
la peur rétrospective de Clément, qui lança avec nervosité :
    — Ah madame, si vous saviez… Il
me fallait un peu de temps en solitude… Le chevalier m’aurait retrouvé dans les
communs ou même dans les combles. Je n’ai songé à nul autre endroit. Ces
calculs sont plus ardus que je ne m’y préparais… même en m’aidant des
précieuses indications extraites du traité de Vallombroso.
    — De quoi parles-tu, à la
fin ?
    — Du deuxième thème. De celui
que j’avais recopié sur la feuille arrachée du carnet.
    Agnès se tendit, l’impatience le
disputant en elle à l’alarme :
    — En as-tu percé le
secret ? chuchota-t-elle en dépit de la dense forêt qui les environnait.
    — Si fait… J’ai recommencé les
calculs cent fois, incapable d’y croire. À moins d’une grave erreur de ma part,
la deuxième personne est née un 28 décembre 1294, à la nuit.
    — Dieu tout-puissant, souffla
Agnès. Pourquoi ne suis-je pas étonnée ?
    — Y eut-il une éclipse lunaire,
madame ?
    — Lunaire ? Non, du moins
je ne le pense pas. C’est la nuit de ma naissance que la lune sembla
disparaître partiellement. En revanche, peu avant la tienne, le soleil fut
totalement avalé, durant quelques secondes. Une nuit étrange s’abattit. Je me
souviens du regard halluciné des chiens, de leur museau levé vers le ciel. L’un
d’eux gronda, son poil se hérissant, puis tous battirent en retraite en
gémissant, pour se tasser au sol. Ensuite, le jour revint. Nombreux furent ceux
qui y virent le signe indéniable de la fin du monde. J’avoue que je l’ai
également pensé.
    Elle n’acheva pas. Elle y avait vu
le signe d’une fin de monde, et de son trépas à elle, imminent. D’ailleurs,
Sybille était morte à la nuit. Quant à Agnès, sans l’obstination de Gisèle, la
nourrice, elle n’eut pas survécu.
    — Les éclipses sont des
phénomènes naturels qu’explique admirablement la théorie de Vallombroso. Si les
planètes voyagent dans le firmament, il est inévitable qu’elles se croisent
parfois, occultant la source de lumière qui les inonde. Il ne s’agit en rien de
malédiction, ni de signes.
    — Je l’ai cru. J’étais bien
jeune. Cet hiver avait été si effroyable que tous pensaient qu’un fléau nous
avait été envoyé par Dieu. Hugues, mon époux, était décédé et… bref, nous
vivions depuis des semaines dans l’attente de l’ultime désastre.
    Après quelques secondes de silence,
Clément reprit :
    — Pourquoi n’êtes-vous pas
étonnée, madame ? Je veux dire… pensez-vous que ce thème me désigne
vraiment ?
    — Je parierais ma vie à ce
sujet.
    — Je ne suis pas le seul à être
né le 28 décembre 1294 à la nuit.
    — C’est un fait. Cela étant, le
premier thème semble me désigner.
    — Pourquoi ce lien ? Il me
comble, je l’avoue, mais… je ne parviens pas à comprendre la coïncidence qui
fit que je naquis à vos côtés, à Souarcy, quand j’aurais pu naître n’importe où
ou ne pas naître du tout, puisque ma mère mourut avant sa délivrance complète.
    — J’ai le sentiment que nous
sommes tous les deux pris au piège de multiples coïncidences, toutes aussi
inexplicables les unes que les autres, biaisa Agnès. Clément… Monsieur de Leone
veut t’entretenir d’une mission qu’il souhaiterait te confier. Je n’en sais pas
davantage. Si elle recelait des dangers pour toi, j’exige – j’exige,
m’entends-tu ? – que tu la repousses. En dépit de cette sidérante
intelligence qui est la tienne et de ce courage qui me rend si fière de toi,
n’oublie pas que tu es un garçon d’habillement. Les hommes sont plus forts que
nous.
    — Nous sommes plus rapides et
agiles.
    — Rapides, je ne sais. Agiles,
je le crois. Toutefois, ils sont plus aptes au combat. Peut-être est-ce le
résultat d’une éducation de fille que j’ai tenté de t’épargner. Peut-être
sont-ce nos fibres féminines. Quoi qu’il en soit…
    — Vous vous battîtes pourtant
comme un homme dans cette forêt, lame au clair.
    — Non. Comme une femme, sans
discussion. J’ai d’abord cherché à fuir, tant que je l’ai cru

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