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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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la
commanderie templière d’Arville. Il reprit :
    — Madame de Souarcy t’a-t-elle
entretenu de mon projet et de l’aide que je requiers de toi ?
    — Sommairement. Une
mission ?
    — Il y a de cela. Le temple
Notre-Dame de la commanderie templière d’Arville est une petite forteresse à
lui seul. Il a été détaché de la muraille d’enceinte afin de permettre aux
villageois d’assister aux offices sans traverser la commanderie, de sorte à
respecter la clôture des moines templiers. Le haut portail de ce caquetoir [100] principal est imprenable, à moins d’utiliser un bélier pour l’enfoncer.
En revanche, une autre porte, plus petite, donnant sur un modeste ouvroir,
permet aux frères de pénétrer par l’un des flancs du temple sans jamais sortir
de l’enceinte. Elle est munie d’une étroite fenêtre défendue d’un seul barreau
horizontal, ménageant un espace d’avec le mur aussi large que celui dont tu
t’es accommodé pour pénétrer dans la bibliothèque secrète des Clairets. Autre
détail d’importance, une tour de guet ronde, un peu surélevée, permet de
surveiller l’église. Toutefois, Arville est une bourgade bien paisible. Je
doute que son commandeur s’inquiète au sujet d’une attaque fort improbable du
temple Notre-Dame, et que des gardes soient de faction. Cependant, je ne puis
en jurer.
    — Vous souhaitez donc que je
m’y introduise…, résuma Clément.
    Leone hocha la tête en signe
d’acquiescement.
    — Et comment déverrouillerai-je
ensuite la porte pour vous ?
    — Comme c’est fréquemment le
cas dans les abbayes ou les commanderies où l’on cherche à réduire le nombre
des clefs, cette petite porte n’est pas munie de verrou, contrairement à celle
du porche principal. Elle ferme grâce à une traverse que l’on bascule dans des
renforts de métal. (Leone marqua une courte pause, puis :) Clément, ta
dame m’a recommandé… ou plutôt commandé, de ne t’entraîner dans aucune entreprise
qui t’exposerait au danger. Je ne puis t’assurer que…
    Clément l’interrompit :
    — Je sais. Peu importe,
monsieur. Ma dame ne redoute pas la mort si c’est pour me sauver. Je veux, avec
tout le respect qui est le mien, m’appliquer à lui ressembler toujours et en
tout, bien que petit manant. C’est ainsi que j’ai grandi, et l’aventure fut
belle. Il serait donc très sot et détestable de ma part de changer d’habitude.
    Le chevalier le considéra longuement
de cet étrange regard mouvant dont on ne savait au juste où il se
perdait :
    — Tu me plais fort, jeune
homme. D’une inattendue façon, tu m’évoques ce que je fus à ton âge. Quant à la
valeur et à l’honneur, ils n’ont jamais boudé les manants, jeunes ou vieux.
Nous partirons au petit matin. Arville est loin et vos chevaux de trait bien
lents. Nous ne serons pas rendus avant le jour faillant. Prépare une pelisse
chaude et quelques vivres pour nous deux, veux-tu ? Ensuite, va te
coucher, je préviendrai ta dame. Notre route est longue.
    Clément fonça vers les cuisines.
    Leone s’en voulait de traîner le
garçon dans des péripéties qu’il ne maîtrisait pas. Cependant, le temps leur
faisait défaut et lui seul pourrait se faufiler à l’intérieur du temple
Notre-Dame. Le chevalier aurait préféré combattre plutôt que d’exposer
l’adolescent au danger, mais n’avait nulle alternative.
    L’entrée d’Agnès dans la grande
salle glaciale mit terme à ses pensées. Avec une peur rétrospective, il
s’enquit de son état. S’était-elle remise de cette effrayante aventure en
forêt ? Elle se planta devant lui, sans daigner répondre, attendant. Il
comprit et obtempéra en lui relatant la conversation qu’il venait d’avoir avec
Clément.
    — Monsieur… s’il arrivait
quelque chose de fâcheux à Clément, sachez que, en dépit de ma reconnaissance,
je ne vous le pardonnerais jamais.
    Leone hésita puis lança comme s’il
se noyait :
    — Il s’agit de votre fils de
ventre, n’est-ce pas ?
    Elle chancela. Le sang s’enfuit de
son visage.
    Il tomba à genoux devant elle,
inclina la tête et murmura :
    — Votre pardon, madame, je vous
en supplie. Oubliez. Oubliez cette grossièreté. Mon Dieu, votre pardon. Le
principal est que vous soyez sauve et que vos actes dans cette forêt prouvent,
s’il en était besoin, que vous êtes… celle que je pensais, car celle-là ne
pouvait se dérober face au péril.
    — Il est trop tard,

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