Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
possible. Il
n’est nul déshonneur pour une dame de rompre l’engagement. C’est ainsi. Ce
n’est que lorsque je t’ai vu que j’ai attaqué. La terreur pour l’être cher, la
fureur que l’on cherche à lui nuire, rend femelle plus féroce que le mâle de
l’espèce. (Soudain, elle déclara :) Ne te dérobe pas à ton habitude en
tentant de m’entraîner ailleurs. M’as-tu bien entendue au sujet de ta prochaine
entrevue avec le chevalier ?
    — Je vous ai entendue. Il en
sera fait selon votre volonté, madame.
    Elle sembla hésiter. Lorsqu’elle se
décida, la stupéfaction le fit se tourner vers elle :
    — Clément, dès que nous
arriverons, précipite-toi jusqu’à la chapelle et détruis par le feu la page du
registre des naissances et des décès portant ton nom.
    — Madame… ! Vous…
    — C’est un ordre qui ne se
discute pas, Clément.
    — Bien, madame.
    Ils gardèrent le silence jusqu’au
manoir de Souarcy.
    Gilbert le Simple galopa lourdement
à leur rencontre, son mufle épais buriné d’inquiétude.
    — Not’bonne fée… C’te presque
la nuit déjà ! J’savions point où c’que me diriger afin de vous trouver.
C’te si pâlotte not’dame… Ben qu’est-ce donc, alors ?
    À son habitude, il souleva Agnès de
selle et son regard tomba sur la courte lame souillée de sang sec.
    — Oooh… des grabugiaux !
(Les mâchoires de Gilbert se serrèrent à faire saillir les muscles. Soudain
mauvais, il exigea :) Où c’te sont ? M’en va leur rentrer la gorge
dedans l’cul !
    Il serra son poing droit dans sa paume
gauche, large comme un battoir, faisant craquer ses articulations.
    — Deux sont morts, Gilbert. Le
troisième s’est enfui.
    — Trois ? Cont’une bonne
fée ?
    Affolé, il la fit pirouetter sans
douceur, l’examinant de crainte qu’elle ne fût blessée.
    — Je suis indemne. Églantine
fut très vaillante. Soigne-la bien veux-tu, gentil Gilbert.
    Elle passa la main dans la tignasse
en bataille du géant débonnaire et pourtant redoutable. Il se calma aussitôt,
oubliant sa rage et ses envies de meurtre de l’instant précédant, ronronnant de
bonheur.
    Clément n’avait pas dit mot. Lorsque
Gilbert, tirant la jument, se fut éloigné, il murmura d’une voix altérée :
    — Allez-vous bien,
madame ?
    — Je l’ignore. Je me sens
étrangère à moi-même. Ne devrais-je pas être rongée de regrets et de
remords ? J’ai l’insolite sensation que ce qui s’est produit dans la forêt
ne… comment dire, ne m’appartient pas. Que c’est… hors moi.
    — Peut-être est-ce la
conséquence de la violence de cette rencontre. Vous n’êtes pas meurtrière,
madame.
    Elle sourit faiblement :
    — Vraiment ? Et comment
nommes-tu, en ce cas, les deux cadavres que j’ai laissés derrière moi ?
    — De la défense légitime. Vous
avez, comme vous le pouviez, sauvé nos deux vies d’une mort certaine dont je
suis convaincu qu’elle était commanditée. Rien d’autre.
    — Tu as sans doute raison,
admit-elle. Cela étant, je doute de parvenir à m’en convaincre aisément.
Allons… le chevalier doit nous attendre. Rends-toi aussitôt en la chapelle et
procède ainsi que je t’ai indiqué. Ensuite, et seulement ensuite, tu pourras
rejoindre le chevalier. Je vais monter en mes appartements afin de me changer.
Ces vêtements… je n’ai guère envie de les porter ce soir. Je me joindrai
bientôt à vous. N’oublie pas ta promesse, Clément.
    Installé sur l’un des grands coffres
vaisseliers, les chiens de Beauce vautrés à ses pieds, le chevalier de Leone
attendait sans impatience, contemplant les flammes qui dévoraient rageusement
l’infâme réceptaire de nécromancie signé d’un certain Justus. Posée non loin de
lui, la protection de lin froissée. Il avait trouvé le paquet un peu plus tôt
sur la botte de paille où il avait laissé son maigre ballot d’effets
personnels. Les manuscrits tant convoités. Il avait interrogé avec habileté les
deux valets qui déblayaient la neige de la cour, tassée et rendue glissante par
les allées et venues des bêtes et des tombereaux. Les deux gars aux mains
rougies de froid, pas fâchés de quelques minutes de conversation qui leur
déployaient les reins et leur permettaient de souffler en bonne compagnie, ne
s’étaient pas fait prier pour répondre aux questions de l’hospitalier. À les en
croire, aucun étranger n’était passé ce jour au manoir. Leone

Weitere Kostenlose Bücher