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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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chuchota d’une voix hachée
d’appréhension :
    — Tout doux, ma belle, tout
doux. (Puis, elle lança aux voyous d’une voix à l’arrogance menteuse :)
Laissez cet enfant, à l’instant. C’est un ordre !
    Ils se tournèrent vers elle. Agnès
perçut leur étonnement et décida de pousser son faible avantage. Elle asséna
d’un ton péremptoire :
    — Ce garçon est de ma
domesticité. Il appartient à ma maison. Dussiez-vous persister, c’est la mort
qui vous attend. Je l’exigerai du grand bailli. Pour vous tous. Vous serez
pendus aux fourches patibulaires et mis en pièces par les charognards.
    Les brigands se consultèrent du
regard. Agnès fit avancer Églantine de quelques pas dans leur direction.
Clément secoua la tête en signe de dénégation, criant dans ses sanglots :
    — N’approchez pas, je vous en
conjure ! Ils vont vous tuer, vous aussi. Ce sont des…
    — La ferme, puceau !
éructa celui qui semblait être le chef. (Il jeta alors aux autres :) C’est
la femme de Souarcy. Nous avons de la chance, puisqu’elle vient à nous. Je me
charge d’elle, achevez le gosse et vite !
    Il parut à Agnès que le monde
s’immobilisait pour une seconde qui durait l’éternité. Ensuite, tout ne fut
plus que chaos. Elle vit l’homme avancer vers elle, à grandes enjambées. Elle
le vit brandir son coutelas de chasse. Elle vit les deux autres rétrécir le
cercle qui les séparait de Clément. Elle vit l’adolescent trébucher sur une
souche et se redresser de justesse. Sans savoir au juste ce qu’elle faisait,
sans même diriger la succession de ses gestes, elle se débarrassa de son
soulier d’un mouvement sec, enroula autour de sa cuisse gauche la double
courroie de l’étrivière qui pendait de selle, faufila son pied déchaussé dans
l’étrier. Elle raffermit la pression de sa jambe droite passée par-dessus la
bande de garrot qui protégeait le cou de l’animal. Elle coinça le pommeau
surélevé contre son pli de genou et fit reculer la jument aux rênes. Aux gestes
rapides et précis de sa monte, à leur autorité retrouvée, Églantine comprit que
sa cavalière reprenait le dessus et s’apaisa. L’homme s’arrêta en souriant,
grisé par ce qu’il croyait n’être que peureuse retraite, alors qu’Agnès
cherchait à garantir l’élan de sa monture. Lorsqu’elle fut à près de vingt
toises de lui, la jeune femme lança la jument au galop d’une claque sèche sur
les reins. Elle rugit afin de l’encourager. La terre trembla sous la tonne de
muscles en mouvement et le sol gelé s’arracha en mottes sous les lourds sabots
de la percheronne. Agnès se souleva légèrement de selle et tira sa courte épée
de la main gauche, menant le cheval de l’autre, le pressant de la voix.
Emportée par sa masse et son essor, la jument accéléra, fonçant droit sur le
brigand :
    — Sus, sus à lui, ma
preuse ! hurla Agnès.
    Les yeux de l’assassin
s’écarquillèrent de terreur. L’espace d’un instant, il sembla incapable du
moindre geste. Il tourna la tête vers ses complices et leur cria quelque chose
qu’Agnès, assourdie par la course folle du titan à crinière, ne comprit pas. Il
voulut fuir, mais le cheval était déjà sur lui. Agnès ne vit qu’une bouche
béante. Elle ne sentit que la faible résistance de la chair et des os humains
piétinés par les larges sabots ferrés qui filaient vers la clairière.
    Le souffle du cheval, heurté,
bientôt difficile, lui emplissait les oreilles. Agnès supplia :
    — Persiste Églantine, ne
t’arrête pas ! Je t’en prie, ma belle, fonce, fonce encore !
    Elle la pressa du mollet et de la
voix.
    Clément était au sol et rampait sur
le dos dans une vaine tentative pour échapper à ses tueurs. Agnès vit. Elle vit
leurs lames, luisantes, sans concession, menacer l’enfant. Pourtant, déroutés
par l’horrible scène qui venait de se dérouler non loin, par la dépouille
piétinée de leur comparse, les deux coquins hésitèrent une fraction de seconde
de trop. Une fraction de seconde durant laquelle l’esprit d’Agnès se vida. Elle
bascula sur la gauche, seulement retenue par l’étrivière qui lui sciait la
jambe et par son genou droit, le torse à hauteur du quartier de selle. Elle
força la jument en direction de la canaille la plus proche de Clément. Elle
songea, l’espace d’un bref instant, qu’elle allait le heurter de plein fouet.
Un choc brutal contre ses phalanges, rien d’autre. La

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