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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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je gage que les templiers en faction à l’intérieur sont beaucoup
plus vigilants que ceux qui ronflotent dans le logis du commandeur.
    Clément s’absorba dans la
contemplation des sillons boueux que venait de semer devant lui le chevalier,
et s’enquit en pointant l’index derrière la grange dîmière :
    — Et qu’est cette petite croix
que vous avez dessinée, ici, sur la droite de la deuxième tour de guet ?
    — Ce sont les fours à pain.
    — C’est donc en les contournant
par la droite que nous devons progresser afin d’éviter la garde des deux tours.
Nous longerons le flanc gauche du temple Notre-Dame, d’autant que la petite
porte ouvre au milieu.
    Sa rapidité stratégique étonna Leone
qui avait formé un plan en tous points identique.
    Il leva le regard. Les cimes dénudées
semblaient supplier un pâle soleil. L’hospitalier se redressa s’étirant les
membres, aussitôt imité par Clément. Il tapa des pieds afin de se défaire de la
pellicule gelée qui s’était accumulée sous la semelle de ses bottes.
    — Allons, mon garçon, la conclusion
de notre voyage approche. En selle. Nous parviendrons en vue de la commanderie
à soir échu, après complies.
    Ils attachèrent leurs montures à un
arbre, à quelques dizaines de toises de la sente de caillasse qui remontait
vers le haut mur encerclant les divers bâtiments de la commanderie templière
d’Arville. Le pont-levis du porche avait été relevé pour la nuit. Les eaux
presque noires du Coëtron inondaient les douves et scintillaient faiblement
sous une lune blafarde qui bagarrait contre les nuages nocturnes sans parvenir
à s’imposer tout à fait. Leone voulut y lire un signe : même la lune était
de leurs alliés. Clément proposa :
    — Nul ne se méfiera d’un petit
maraud [108] . Je puis faire le tour de la commanderie afin de m’assurer que tous
sont rentrés.
    — Ce n’est guère utile. La vie
des commanderies est très réglée, assez similaire à celle des monastères. Ils
ont soupé après vêpres, au couchant. Après le dernier office de complies, ils
ont rejoint leur dortoir ou leurs factions. Patientons encore quelques minutes
avant d’avancer. Clément… J’ai donné ma parole à ta dame et je la tiendrai,
grâce à toi.
    — Grâce à moi ?
    — Si… notre aventure virait à
l’aigre… si nous étions repérés, j’exige que tu te sauves aussitôt, sans te
retourner, sans m’attendre, aussi vite que tu le pourras.
    — Et vous abandonner seul face
au danger !
    Leone lutta contre le sourire que
faisait naître chez lui la protestation du jeune garçon. Il ressemblait à sa
mère, mais l’ignorait. Il s’appliqua à ne point l’offenser :
    — Ta valeur ne fait aucun doute
à mes yeux. Cela étant, que nous soyons un ou deux ne changera pas grand-chose
à l’issue d’un combat contre une bonne centaine de templiers. Mon seul but est
de les retenir afin de te permettre de rejoindre Souarcy à la hâte et de tenir
ainsi ma promesse. De toute façon, je serai arrêté. Je déposerai mes armes dès
que tu te seras éloigné. Je n’ai nul désir de me faire pourfendre par des
frères.
    Méfiant, Clément s’enquit :
    — Vous promettez donc qu’ils ne
vous navreront pas ?
    — C’est évident, asséna le
chevalier en priant pour que les hommes du Temple se rendent, eux aussi, à
ladite évidence.
    — Alors j’accepte, monsieur.
Tâchons toutefois de ne pas nous faire surprendre.
    — Cela me semble la meilleure
idée, en effet. Allons ! Le moment est venu.
    Ils longèrent les douves par la
gauche, se faufilant le long de l’interminable mur d’enceinte fait de roussard,
un grès ferrugineux que l’on extrayait des proches carrières de Corme-non et de
Sargé. Enfin, ils se trouvèrent juste derrière la grange dîmière dont ils
distinguaient nettement le toit couvert de bardeaux de châtaigniers, essence
d’abondance dans la région, capables de résister plus de cent ans aux
intempéries. La large tour de guet ronde s’élevait un peu à gauche et en
retrait de la grange. Encore plus loin sur leur gauche, les fours. La
construction, beaucoup plus basse que les deux autres, leur demeurait
invisible, cachée par le mur. Ils progressèrent donc à pas comptés, jusqu’à ce
que Leone lève la main pour signifier halte. Selon ses calculs, ils devaient se
trouver un peu à gauche des fours, donc hors de vue de la tour dont les
meurtrières donnaient sur l’avant, vers la

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