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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Marie enfante et protège.
Marie sait mais se tait. Qui, mieux qu’elle, pourrait préserver un secret de
cette importance ?
    — L’argument se tient. Il ne
nous reste donc qu’à sonder toutes les pierres des murs et des piliers, sans
oublier les dalles. Nous n’en aurons jamais terminé au matin.
    — Tu partiras avant l’aube. Je
trouverai un moyen de me dissimuler.
    — Ici ? protesta Clément.
Comment espérez-vous parvenir à vous cacher ? Ainsi que vous l’avez fait
remarquer, ce temple est d’une extrême sobriété.
    — La crypte. On y enterre les
commandeurs et les membres du chapitre, si la place ne fait pas défaut. Allons
vérifier. Deux escaliers doivent la rejoindre, l’un partant de la nef, l’autre
du chœur.
    La porte basse ouvrant sur le second
se trouvait derrière la vierge longiligne de bois peint. L’idée fugace que la
Belle Dame ressemblait à Agnès, avec son front bombé, ses pommettes à peine
saillantes et sa petite bouche en cœur, traversa l’esprit de Clément.
    Ils débouchèrent dans une longue
cave voûtée. Contrairement à leur attente, l’atmosphère était sèche, bien que
glaciale.
    Six gisants étaient alignés. Clément
s’approcha des silhouettes taillées, leurs mains jointes en imploration,
gracieuses dans leur simplicité. Sur le socle soutenant le premier gisant, un
homme de petite taille à la charpente menue, il lut : « Frater
Robertus de Avelin est preceptor tunc temporis Are-ville, 1208 [109] .  » Il passa au deuxième, au corps
athlétique mais juvénile ainsi qu’il était coutume de les représenter tous à
l’époque [110]   : « Henri de Couesmes, 1176 »,
sans autre mention. Il détailla le visage du troisième, un homme à la barbe
conquérante, puis celui du quatrième gisant, sans doute le plus grand des six.
Le visage émacié, le long nez droit, les mâchoires carrées, évoquaient un être
d’autorité. Les mains puissantes, presque disproportionnées, un soldat. Les
lettres taillées dans la pierre du socle précisaient : « Guillermus
de Aridavilla, 1218 [111]   », l’antique nom latin d’Arville. Guillaume
d’Arville. Suivait une épitaphe qu’il traduisit : « Il vint à sexte*
de l’Avent et s’en retourna à none* de l’an neuf. » Guillaume d’Arville.
Ce nom. Clément avait déjà aperçu ce nom quelque part. Sans qu’il comprît
pourquoi, il lui sembla essentiel de fouiller sa mémoire, mais le souvenir
précis lui échappait. Il détailla la robe aux plis de granit, la lourde épée
couchée sur le torse, qui descendait jusqu’aux pieds. Contre son mollet avait
été sculptée une étroite vièle à cinq cordes [112] percée de deux ouïes, ainsi que son archet. Un amateur de musique,
sans doute. Une curiosité attira l’œil de Clément. Alors que le travail de
pierre qu’il avait jusque-là contemplé se distinguait par son austérité, le
corps sonore de l’instrument avait été richement ciselé. Des ornementations
compliquées, véritable dentelle minérale, le décoraient. Il se pencha afin de
les mieux apprécier. Il eut la nette sensation que son cœur ratait quelques
battements. Et soudain, le souvenir s’imposa dans son esprit. Guillaume
d’Arville était mentionné sur la charte de construction de l’abbaye de femmes
des Clairets, décidée en juillet 1204 par Geoffroy III, comte du Perche, et son
épouse Mathilde de Brunswick, sœur de l’empereur Othon IV Dans l’un des
cartulaires de chroniques de la bibliothèque, il avait lu – rapidement il
est vrai, puisqu’il cherchait alors des informations au sujet de la théorie de
Vallombroso – que le sieur Guillaume d’Arville avait trépassé lors de son
voyage de retour de Terre sainte, non loin de Constantinople, à l’été 1229. Il
ne pouvait avoir été enterré en la commanderie ! Ce gisant… Mon
Dieu ! C’était impossible, il faisait fausse route ! La gorge sèche,
il appela :
    — Chevalier, vite !
    Leone se rua vers lui et
s’agenouilla à son côté, scrutant le point que désignait du doigt l’adolescent.
    — Dieu du ciel… La rose. Il
s’agit de la même rose. Regarde ce pétale sur la droite, il est beaucoup plus
important que les autres. Au point qu’Eustache et moi nous étions convaincus
qu’il s’agissait d’une sorte de code, d’un nombre de pas, de points cardinaux,
que sais-je. Sert-il seulement d’indice afin de la reconnaître ?
    Clément résuma pour lui ce qu’il
savait au

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