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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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effort
brutal ne lui permette plus de se retenir. D’un ton faussement guilleret, il
lança :
    — Je m’en vais ramasser un peu
de bois tombé [102] . Ainsi pourrons-nous nous réchauffer les membres.
    — Bonne idée, lança Leone en
démontant à son tour du grand étalon gris pommelé, l’ombrageux Mariolle, qui
après avoir tenté de lui pincer traîtreusement le bras dès qu’il s’en était
approché ce petit matin, avait ensuite jugé le cavalier pour s’amadouer
aussitôt.
    Des larmes de soulagement vinrent
aux yeux de la jeune fille lorsque enfin elle se fut assez reculée pour baisser
ses braies.
    Lorsqu’elle, il, revint vers leur
campement provisoire les bras chargés de branches et de brindilles, Leone avait
étalé devant lui le contenu de sa bougette [103] et réchauffait entre ses mains une timbale d’étain emplie de neige.
Ils engouffrèrent sans une parole leurs modestes agapes, se chauffant les mains
au-dessus du maigre brasier.
    — N’avez-vous pas trop froid,
chevalier ? s’enquit Clément. Vous êtes habitué à températures plus
indulgentes.
    Leone le considéra, terminant avec
application sa dernière bouchée.
    — Je suis habitué à tant de
choses. Le chaud, le froid, la pénurie, l’abondance, la pluie et le désert,
l’amitié et la haine. La vie et la mort, aussi. Vois-tu, la pluie ne te semble
jamais si belle que lorsque le soleil du désert t’a tanné la peau durant des
semaines. C’est la même chose avec le reste.
    — L’amour et l’amitié ne sont
jamais si inestimables que lorsque l’on a subi la haine. De cela, je me doute.
Mais la vie ? Nous vivons bien avant de connaître la mort.
    — Détrompe-toi. Nous portons la
mort en nous dès la naissance et nous le savons. La vie n’est qu’un transitoire
emprunt. La mort nous le concède mais c’est un usurier farouche, implacable.
Elle se fait toujours rembourser. C’est ce qui rend la vie si précieuse. La
sienne, celle des autres. Je m’étonne toujours que l’on puisse alors l’exterminer
ou la martyriser si volontiers. (Francesco de Leone se redressa et déclara d’un
ton plus léger :) Fi, cessons là ! Que nous voilà donc sombres !
    Leone récupéra une petite brindille
à demi carbonisée et s’en servit en guise de stylet afin d’ébaucher un plan de
leur cible sur la terre détrempée de neige fondue par la chaleur de leur feu.
Il traça d’abord un grand ovale irrégulier, figurant le mur d’enceinte, et
recommanda :
    — Regarde et mémorise. C’est ce
que je fis lors de mon unique visite en ce lieu. Plantons-nous face au porche
principal. À gauche se trouvent les écuries. Spacieuses puisqu’on affirme
qu’elles hébergent l’année durant jusqu’à cinquante chevaux de guerre. Les
animaux sont ensuite acheminés, sanglés sur des huissières [104] , jusqu’en Terre sainte. Enfin, du moins l’étaient-ils quinze ans plus
tôt. Les templiers les vendent maintenant sur les foires à bestiaux, comme
bêtes de trait. Un peu affligeant lorsqu’on songe à la valeur et à la bravoure
de ces animaux. Au bout des écuries, le jardin potager et médicinal qui fournit
quelques légumes d’agrément ainsi que la plupart des médicaments nécessaires à
la communauté. À droite du porche, tu remarqueras un modeste édifice, coincé
entre le temple Notre-Dame, notre but, et les bâtiments utilitaires. Il s’agit
du logis du praeceptor [105] . Il faudra nous en méfier lors de notre
approche. La tradition veut que trois sergents se relayent au cours de la nuit
afin de garder les minces meurtrières qui le défendent. En revanche, ajouta
Leone avec un sourire amusé, la coutume veut qu’en pays de paix ils s’endorment
très vite à leur poste. Un peu plus loin sur la droite s’élève la tour de guet
ronde qui protège le temple. Lui-même est fort reconnaissable avec son imposant
clocher à deux niveaux porté par un arc brisé. L’église est construite en
grison. Ainsi que je te l’ai expliqué, ce temple Notre-Dame a été détaché de la
muraille afin de permettre aux villageois d’assister aux offices sans traverser
la commanderie. L’autre porte, celle que nous visons, permet aux frères de
pénétrer par l’un de ses flancs sans jamais sortir de l’enceinte. Au centre de
l’enceinte se dresse la grange dîmière [106] . Derrière elle, une autre tour de guet large et ronde [107] . Celle-ci m’inquiète davantage. Elle surveille la grange et ses
récoltes et

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