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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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qui
rappela :
    — Vous me devez échange,
monsieur. Une confidence pour une autre. La mienne, vous vous en doutez, fut
des plus pénibles.
    Elle eut le sentiment très net qu’un
obstacle venait de s’abattre entre eux. Il s’inclina légèrement, main sur le
cœur :
    — Votre serviteur, madame.
    — Que signifiait la phrase
tronquée citée par Clément, qu’il avait reproduite sur la feuille
arrachée ? (Elle leva la main afin de couper court à sa protestation :)
De grâce chevalier, ne croyez pas que votre excuse de « fâcheux
oubli » m’ait convaincue. Que signifiait cette phrase ?
    Qu’Agnès s’attache précisément à ce
rivet fondamental prouva encore une fois à Leone qu’elle avait hérité du don de
perception des femmes de sa famille. Il n’hésita plus :
    — « La lignée vient par
les femmes. C’est de l’une d’elles que renaîtra le sang différent. Ses filles
le perpétueront. »
    Une onde glacée dévala dans le
cerveau d’Agnès. Tout s’éclaira soudain. Sa duperie de tout à l’heure,
lorsqu’elle avait laissé accroire à Leone que Clément était son fils, se
justifia, tout comme la soudaine urgence qui l’avait poussée à exiger que
Clément détruise une page du registre des naissances et des décès de la
chapelle. D’une voix presque inaudible, elle s’enquit :
    — De quelle lignée s’agit-il,
selon vous ? De quel sang ?
    — Je ne le nommerai pas sous la
torture, madame. Pas même pour vous, en dépit de l’infini amour qui lie mon âme
à la vôtre. N’insistez pas, je vous en conjure. Je refuse de vous devoir
mentir.
    Il sortit à ces mots, ou plutôt
s’enfuit, sans prendre congé. L’idée qu’il puisse disparaître à tout jamais de
sa vie, aussi vite, aussi complètement qu’il y avait fait irruption, la
tétanisa. Que s’était-il noué entre eux qui lui parut si crucial, vital ?
    Laudes* n’avait pas encore sonné
lorsqu’ils sellèrent leurs chevaux.
    Agnès retint Clément pour un discret
et rapide échange. Elle insista avec une urgence qui surprit Clément. Le
chevalier de Leone ne devait, sous aucun prétexte, se douter qu’il était fille.
Tendue, elle murmura :
    — Si l’on m’avait affirmé que
j’en viendrais à redouter la perspicacité de cet hospitalier bien pis que celle
de mon demi-frère, j’aurais balayé cette suggestion à la manière d’une
sornette. Mais de fait. Clément, prends garde. Il est infiniment plus subtil
qu’Eudes.
    — Pourquoi serait-ce si grave,
madame ? Il est notre plus sûr allié. Avec le comte d’Authon,
rectifia-t-il, mais notre seigneur ignore tant de nous.
    Agnès hésita, se mordant la lèvre.
Elle ne pouvait pas encore lui avouer ce qu’elle avait révélé la veille à
Leone. Elle voulut se convaincre que le moment était fort mal choisi. Pourtant,
son honnêteté la rattrapa : sa seule appréhension se résumait à la
réaction de Clément.
    — « La lignée vient par
les femmes…», et tu corresponds au deuxième thème.
    — Néanmoins, vous êtes le
premier.
    — Clément, le temps nous
presse, s’énerva-t-elle. De grâce, fais confiance à mon instinct. Qu’il
n’apprenne rien de ton genre.
    — Je vous le promets, madame.
     

Forêt de Mondoubleau et
commanderie templière d’Arville, Perche, décembre 1304
    Une sorte de pacte tacite avait mené
Clément et Francesco de Leone en grand silence, leurs rares échanges se
limitant à quelques commentaires sur l’implacable rigueur de cet hiver qui
fendait jusqu’aux écorces des troncs d’arbres, ou sur le maigre repas qu’ils
prépareraient plus tard, grâce aux victuailles emballées par Adeline pour
soutenir leur route. Peu de chose : du pain, du lard, un peu de fromage,
une bouteille d’alcool de cidre afin de se réchauffer.
    Une banale mais pressante envie
inquiétait Clément depuis quelques minutes. Comment allait-il s’y
prendre ? Le chevalier avait proposé deux heures plus tôt une brève pause.
Il s’était approché d’un arbre, avait tourné le dos et Clément l’avait envié de
pouvoir se défaire aussi aisément d’un besoin bien naturel. L’adolescent avait
refusé, d’un petit mouvement de tête, la proposition de Leone de l’imiter,
affirmant qu’il pouvait encore attendre.
    Après une interminable chevauchée,
portés par l’allure paisible des bêtes de hersage du manoir, ils firent enfin
halte. Clément se laissa glisser du dos d’Églantine, redoutant qu’un

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