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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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combattit à Saint-Jean-d’Acre ? Billevesées que tout cela !
    — Une veuve sans fortune que
veut exterminer un seigneur inquisiteur et que protège un chevalier de justice
et de grâce tombé du ciel. Allons, madame… J’erre comme vous. Néanmoins,
admettez que certaines coïncidences sont trop énormes pour n’être que des
coïncidences.
    Agnès le contempla puis se
décida :
    — J’admets. J’admets et j’ai
grand peur.
    — Moi aussi, madame. Toutefois,
nous sommes deux.
    — Il est dit que je me
conduirai en linotte inconséquente ce soir…, commença-t-elle d’une voix
hésitante. Clément, penses-tu parvenir un jour à une certitude au sujet de ces
thèmes ?
    — Il me faudrait pour cela
mettre la main sur cette théorie de Vallombroso.
    — Et retourner aux Clairets
afin d’y consulter ce carnet, je suppose ?
    Un sourire futé aviva le mince
visage et il la détrompa :
    — Non pas. Lors de ma dernière
visite aux Clairets, avant votre procès, il y a une éternité de cela, j’ai
scrupuleusement recopié ces thèmes et l’oracle, ainsi que d’autres
informations, sur une feuille de papier que je cache en lieu sûr.
    Agnès ne sut d’où lui venait
l’immense soulagement qui libéra d’un coup son souffle. Une phrase lui échappa,
dont elle ne comprit pas la signification :
    — Alors rien n’est encore
perdu.
    — Il n’en demeure pas moins que
ce traité de Vallombroso me fait toujours défaut et que sans lui, je n’ai aucun
espoir d’avancer. Je profiterai, avec votre permission cette fois, des proches
fêtes de Noël pour m’introduire à nouveau dans la bibliothèque et le chercher,
si tant est qu’il s’y trouve.
    — Je vais demain demander
audience à madame de Beaufort. Peut-être y verrons-nous plus clair.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, décembre 1304
    Éleusie de Beaufort avait tergiversé
de longues minutes. La perspective de devoir rencontrer madame de Souarcy
l’alarmait. Pourtant, elle ne pouvait pas non plus l’éconduire sans
explication. Elle se leva en soupirant et rejoignit l’ouvroir dans lequel
patientait Agnès. La jeune femme se leva de l’étroit banc poussé devant la
cheminée sans feu, tendit les mains vers elle, un sourire heureux aux lèvres.
Éleusie songea aussitôt qu’elle avait eu tort d’accepter cette entrevue.
Comment allait-elle résister aux questions qu’Agnès ne manquerait pas de lui
poser ? Saurait-elle lui dissimuler la vérité ? Une faiblesse
contraignit l’abbesse à s’asseoir. Cette jeune femme ignorait tout de son
extrême importance et ne devait pas l’apprendre.
    — Merci de me recevoir si
promptement, ma mère. Je sais comme vos journées sont lourdes de tâches.
    — Non pas. Vos visites sont
trop rares. Vous remettez-vous de cet infâme procès ? Et comment se porte
notre gentil garnement de Clément ?
    — Il se porte comme un charme
et m’est bien précieux depuis que… (Elle ne termina pas sa phrase, certaine que
l’abbesse aurait perçu l’allusion à Mathilde.) Quant au procès, je veux
m’appliquer à en oublier jusqu’au moindre détail, bien que doutant d’y
parvenir… Il me faut vous conter l’étonnante visite que j’ai reçue en ma sombre
geôle…
    Éleusie l’écoutait avec attention,
feignant l’ignorance.
    — … Votre neveu
hospitalier m’est venu voir.
    — Vraiment ? lança
l’abbesse avec une désinvolture si maladroite qu’Agnès en déduisit qu’elle en
avait été informée.
    Elle poursuivit :
    — Ah… je m’étais mise en tête
que vous l’aviez envoyé auprès de moi afin de me rassurer. Je vous avoue que je
ne comprends guère par quel hasard il eut connaissance de mon incarcération. Au
demeurant, j’ignorais qu’il connaissait mon existence.
    Un afflux de sang colora les joues
pâles de l’abbesse lorsqu’elle déclara :
    — Peut-être ai-je un jour
mentionné votre nom, vos difficultés à Souarcy.
    — Je vois… Je pensais votre
neveu à Chypre.
    — Oh, il s’y trouve. Enfin, il appartient
à la citadelle de Limassol.
    Agnès comprenait de moins en moins
l’évolution de cette discussion. Le trouble palpable d’Éleusie, ses évidents
mensonges l’inquiétaient et confirmaient son instinct. Quelque chose se
tramait, qui la concernait, bien qu’elle n’en comprît rien. Elle hésita. La
courtoisie commandait qu’elle n’insiste pas plus avant tant son interlocutrice
semblait peu désireuse de

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