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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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coupable de ces graines-là, du moins pour partie. Selon elle,
elle était responsable de ne pas être parvenue à les éradiquer tout à fait.
Elle n’avait pas l’excuse de n’en avoir pas connu l’existence, la provenance,
ni même la nature. Ces graines étaient la punition exigée en échange des fautes
maternelles.
    Lorsque Clément se réinstalla à son
côté, ils contemplèrent le feu qui renaissait de ses braises. La chaleur
parcimonieuse qu’il diffusait dans l’immense pièce glaciale, éclairée par les
torches de résineux plantées le long des murs, ne parvenait pas à dissiper le
froid qui rampait sous la peau d’Agnès.
    — Madame, parlez-moi, je vous
en prie, même pour me tancer, supplia soudain Clément que ce long et pesant
silence affolait.
    — Mon Clément… j’ai peur. (Elle
enfouit son visage dans ses mains et déclara :) Une très belle et très
valeureuse dame, dont tu portes le prénom, m’assura un jour que la peur
n’évitait pas les morsures. Elle avait raison, pourtant… Elle me manque
terriblement. Elle me manque depuis si longtemps. Sais-tu que je redoute
toujours de n’être pas à la hauteur de ce que madame Clémence de Larnay
espérait de moi ? Elle était si intrépide, déterminée… aimante, fiable
aussi.
    — Vous êtes à la hauteur,
madame. Vous êtes à la hauteur de ce qui ne se mesure pas.
    — Jolie formule. Quelle
déception est la mienne de ne pas la croire justifiée. Car vois-tu, Clément,
j’ai eu si peur dans cette geôle pestilentielle. J’ai eu si peur de mourir ou
pire, de souffrir. J’ai eu si peur de céder, de devenir lâche, de dénoncer, de
renoncer à mon tour. Madame Clémence aurait relevé le menton, tenu tête et
rabaissé sous terre quiconque la menaçait.
    — Mais vous n’avez pas cédé,
pas plus qu’elle ne l’eût fait. La peur n’évite pas les morsures, madame, je
suis en accord avec vous. Mais l’absence de peur ne les annihile pas non plus.
    — Quelle serait donc ta
recette ?
    Clément eut un bref sourire et,
l’espace d’un instant, Agnès se demanda ce qu’il déduirait s’il s’apercevait
dans un miroir à ce moment précis.
    — Ma recette, entre la peur des
morsures et la sotte inconscience du danger ? Se dire que l’on se remet
toujours des morsures, aussi féroces soient-elles. Se convaincre qu’il vaut
mieux se faire déchirer la chair que perdre son âme. L’une cicatrise et se
régénère, l’autre jamais ou presque.
    — Clément… Je requiers de toi
une faveur…
    — Toutes, madame, sans
exception, la coupa-t-il.
    — Clément, conclus pour moi ce
que je n’ose envisager. Je me perds et je n’ignore pas que cette perdition est
volontaire. Lie tous ces fils embrouillés, je te prie. Assemble cette
découverte que tu fis aux Clairets et la visite de ce chevalier hospitalier
dans mon cachot, cette dévotion qui le fit tomber à genoux dans la vase
malodorante. Ses paroles semblaient celles d’un être en transe. N’omets pas le
délire d’Agnan, le jeune clerc secrétaire de Nicolas Florin, prêt à mourir lui
aussi afin de me sauver. Tout cela n’a aucun sens. Aucun sens perceptible, à
moins d’imaginer que ces deux hommes sachent ou sentent des choses qui me
demeurent mystérieuses.
    — Mystérieuses,
dites-vous ? L’énumération que vous en faites prouve assez que vous vous
acheminez vers la solution, et ceci bien qu’il nous manque la majeure partie de
cette énigme. Je vous ai conté l’essentiel et le reste. Je suis également hanté
par une sorte d’intuition. Cependant, je ne dispose d’aucun élément sérieux
pour la vérifier.
    — De quoi veux-tu parler ?
Quelle est cette intuition, comment t’est-elle venue ?
    — Je ne sais. Je crois que nous
sommes, que vous êtes, l’épicentre de turbulences que nous commençons à peine
d’entrevoir.
    Cette sortie suffoqua Agnès. Ainsi
Clément en était arrivé au même point qu’elle.
    — Quelles turbulences ?
    — Je me demande si le premier
thème astral ne vous désignait pas.
    — C’est invraisemblable !
Quoi ? Une bâtarde noble, veuve sans fortune ? Je parviens – à
grand-peine – à faire survivre ma mesnie en troquant le miel et la cire
que j’escroque depuis deux ans à mon demi-frère et suzerain contre des
céréales, en élevant des cochons et en faisant cultiver le sarrasin et le
millet. Et je me retrouverais dans le carnet de deux chevaliers hospitaliers,
dont l’un

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