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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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sa robe, dont la traîne était
boueuse de neige sale, à ses ongles verdis par la mauvaise teinture de ses
gants de rênes. Elle devait être échevelée, poussiéreuse, bref laide à effrayer
et ce n’était pas la surveillance admirative dont la couvait Gilbert qui la
ferait changer d’avis. Elle se ressaisit et ordonna d’une voix douce :
    — Mène Églantine à l’écurie, je
te prie.
    Gilbert s’éloigna sans hâte,
marmottant à l’oreille de la jument. Étrange comme tous les animaux, même les
abeilles, aimaient Gilbert. Une sorte d’impalpable lien semblait l’unir à eux.
    Vite. Que pouvait-elle faire ?
Monter discrètement jusqu’à ses appartements afin d’y rectifier sa mise ?
Non. Le comte l’avait entendue appeler au service. Elle aurait dû être
mécontente, lui reprocher cette arrivée inattendue. Elle réprima un sourire.
C’était délibéré de sa part. Cependant, elle ne doutait pas qu’il eût préparé
un de ces malhabiles prétextes dont les hommes, même les plus intelligents, ont
le secret. Ne sont-ils pas attendrissants de croire qu’à ce jeu-là ils peuvent
outrepasser les femmes ? Agnès pouffa : allons messieurs, nous avons
dû tant nous accoutumer aux feintes que nous les reniflons de très loin !
Elle prétendrait la surprise et l’émoi. D’autant que pour ce qui était de
l’émoi…
    Elle rajusta son manteau et son
voile, releva la courte traîne de sa robe d’une main et avança d’un pas
faussement préoccupé vers la grande porte qui menait à la salle commune. Elle
pénétra en appelant :
    — Adeli…
    Il se leva d’un bond du coffre à
vaisselle sur lequel il était assis, embarrassé.
    — Vous, monsieur !
    — Hum… En effet, madame.
Décidément, ma goujaterie [42] se répète. Me voilà rendu chez vous sans vous en avoir informée.
    — Monsieur, vous m’offensez.
Quoi, mon seigneur ne serait-il pas le très bienvenu en ma demeure, quels que
soient les motifs ou… l’étonnement à sa venue ?
    Il sourit en baissant le regard.
Sous le compliment se cachait, à peine, un reproche léger. Il n’en attendait
pas moins et eut été déçu de l’inverse.
    — Je manque à tous mes devoirs,
monseigneur. Vous a-t-on proposé un rafraîchissement ou plutôt un réconfortant,
plus approprié par le froid crispant de cette fin de journée ?
    — Certes oui. Votre jeune fille
de cuisine m’a gavé d’une plaisante couronne de pâte au fromage – dont
j’ai oublié le nom – et d’un vin chaud de cannelle et de gingembre.
    — Il s’agissait d’une gouière [43] . Elle la réussit agréablement. À qui – ou quoi – dois-je le
bonheur de votre visite, monsieur, avec votre permission ? insista
joliment Agnès.
    — À la ville de Rémalard où je
me dois rendre. Je n’ai plus l’âge des longues chevauchées, lâcha-t-il sans la
quitter du regard. Ogier était encore fringuant, mais j’avoue que les reins
m’élançaient.
    Elle ébaucha un sourire, qu’elle
prétendit vite dissimuler derrière sa main.
    — Vous moqueriez-vous,
madame ?
    — Certes pas, monsieur.
    — Alors, pourquoi ce
sourire ?
    — C’est que… et vous me
trouverez bien impertinente, la fable de vos reins vieillissants ne me convainc
pas.
    Il ne perçut pas l’habile flatterie.
Ainsi devait aller le monde.
    — La perspicacité des dames
m’enchante ou, devrais-je plutôt dire, m’inquiète toujours. J’avoue, le
prétexte n’était pas des plus habiles. Je souhaitais prendre de vos nouvelles,
tout simplement. D’autant que je suis chargé d’une impérieuse mission de la
part de messire Joseph, mon médecin. Je dois remettre un pli à Clément, que je
n’ai point aperçu depuis mon arrivée.
    — Clément ? Viens à
l’instant, je te prie ! lança-t-elle.
    La porte menant au restrait des
serviteurs fut aussitôt poussée et l’adolescent rougissant apparut comme par
magie.
    — Mille pardons, monseigneur,
s’excusa-t-il en se pliant dans un salut. M’eussiez-vous nommé que j’eusse
aussitôt accouru, je vous le promets.
    — Tu as préféré m’espionner de
derrière cette porte, n’est-ce pas ?
    D’un ton respectueux mais offusqué
Clément se justifia :
    — Je n’espionne jamais les
alliés de ma dame. Je veille, rien de plus.
    — Chenapan ! Disparais à
l’instant avant que ton insolence ne te coûte tes oreilles ! menaça le
comte sans grande conviction.
    Clément détala mais Artus

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