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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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le
retint :
    — Attends, j’ai là une lettre
qui t’est destinée. Vous voudrez bien à l’avenir, futés acolytes, choisir un
autre messager que moi.
    Clément récupéra le petit carré de
papier scellé et disparut par le même chemin, après un regard de connivence
pour Agnès.
    Un silence s’installa. Il
n’appartenait pas à Agnès d’y mettre un terme, aussi patienta-t-elle. Elle s’en
voulait un peu, à peine. Artus d’Authon se dépêtrait, fort mal, de la
délicatesse dans laquelle son arrivée et surtout son attirance pour elle
l’avait conduit. Elle n’entendait pas l’aider. Cet homme intelligent,
honorable, séduisant – très séduisant – et lourd la charmait. Sans
doute était-ce méprisable coquetterie de sa part de le laisser s’enliser dans
les affres d’une cour de cœur. Tant pis. Elle savourait trop son embarras
d’amoureux pour s’en priver aussi vite. Après tout, elle était veuve depuis
plus de dix ans. Quant aux élégances sentimentales, aux joutes galantes, elle
en avait toujours été sevrée, son défunt mari Hugues étant homme de respect et
de courtoisie, pas de subtilité et encore moins de poésie. Elle se découvrait
un brin mutine, quand elle s’était crue raisonnable et triste. L’humeur badine
dans laquelle cet homme la mettait la sidérait, délicieusement. Elle attendit
donc.
    — Hum…
    Il se racla la gorge, se maudissant.
Fichtre, que sa langue était donc épaisse ! Il avait répété son entrée en
matière tout le temps de son voyage jusqu’à Souarcy. Où donc étaient passées
les phrases habilement tournées – bien que peu compromettantes –
qu’il avait formulées au seul profit d’Ogier ?
    — Vous disiez, monsieur ?
    — Eh bien… le temps se gâte.
    — Pis, il ne devrait pas
s’améliorer de longtemps. C’est le début de l’hiver.
    La peste était de sa
balourdise ! Tudieu… il allait sous peu passer pour un crétin avec de
telles évidences. Allons, un peu de courage ! Au pire, elle lui claquerait
le bec vertement et du moins saurait-il à quoi s’en tenir. Une fois la cuisante
blessure d’orgueil passée, il… Eh bien, il ne savait pas ce qu’il ferait.
L’ennui… l’ennui était qu’il ne s’agissait pas d’orgueil.
    Il aurait dû demander conseil à
Monge de Brineux, son grand bailli. Ne venait-il pas d’épouser une adorable
Julienne, gaie et futée ? Il avait bien été obligé de séduire et de
convaincre, car la jeune femme, forte de la fortune de son père, n’eut point
condescendu à accepter le premier prétendant venu. Existait-il des sortes de
recettes de charme que les messieurs pouvaient se passer entre eux après les
avoir éprouvées ? Les aînés enseignaient bien la guerre et la chasse,
voire les secrets de la chair, aux cadets. Drôle d’embuscade que celle-ci, en
vérité ! La chassée se transformait en chasseresse et le chasseur n’avait
plus qu’un désir : devenir la proie. Bref, les règles classiques ne s’appliquaient
plus et il était perdu.
    Agnès découvrait un monde de signes
qu’elle ignorait une heure plus tôt mais dans lequel elle s’orientait à
merveille. Dieu qu’il avait l’air mal à son aise. Il transpirait en dépit de la
froideur de la grande salle. Elle lui tendit une perche :
    — Nuiterez-vous à
Souarcy ? Je dois donner des ordres afin que l’on prépare vos
appartements.
    — Je m’en voudrais d’abuser de
votre temps et de votre hospitalité, madame, d’autant que Rémalard n’est point
si loin de Souarcy que je ne puisse y parvenir avant la nuit.
    — Mon hospitalité vous est
acquise et vous m’honoreriez de l’accepter, monsieur.
    — S’il en est ainsi,
accepta-t-il, soulagé.
    Il était assez lucide pour
comprendre que ledit soulagement naissait du répit qu’il s’accordait à lui-même.
Puisqu’il demeurait au manoir pour le souper et la nuit, il n’avait donc plus à
précipiter les choses. Sa poltronnerie le stupéfia. Il s’était battu, parfois à
un contre trois, sans craindre d’y laisser un bout de chair ou pire. Et ne
voilà-t-il pas qu’il était à deux doigts de prendre la poudre
d’escampette ?
    Commencer par le répit. Respirer
enfin librement, se détendre, deviser agréablement de choses, d’autres.
    Agnès n’était pas dupe. Il reculait
pour mieux sauter. N’est-ce pas ce que font les plus vigoureux destriers afin
de ménager leurs muscles ?
    Ils bavardèrent donc devant un vin
chaud. Elle

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