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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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issu de germain s’inquiète de devoir vous annoncer
sous peu que ses recherches d’angélologie, que vous le pressâtes
d’entreprendre, avancent à allure bien modeste. Il a passé quelque temps chez
nous, et y a découvert des éléments de nature à éclairer son travail. Si j’en
ignore les subtilités théoriques, trop ardues pour moi, j’ai cependant cru
comprendre que lesdits éléments lui avaient permis d’en effet progresser.
    Notre cousin, qui n’a pas ménagé sa
peine, je vous l’assure, est parti rendre une courte visite à sa parentèle
qu’il n’avait eu le bonheur de serrer sur son cœur depuis longtemps. Un
inattendu trépas le retient plus que de prévu. Ne vous attristez pas, mon bien cher
parrain. Il ne s’agit pas d’un décès de famille, laquelle est en belle santé.
    Croyez que notre cousin œuvre avec
acharnement et une finesse digne d’éloges. Je n’ai nul doute que le résultat
qu’il vous présentera vous confortera dans votre choix de lui avoir confié la
rédaction de ce traité consacré au temps discontinu des anges, à ce tempus discretum, sorte d’exception entre
l’éternité divine et le temps continu des êtres de matière [49] , qui n’a pas fini de nous préoccuper.
    Votre très dévoué et très respectueux
filleul, G.
     
    Arnaud de Viancourt sourit à nouveau
en dépit de la gravité, pour ne pas dire du péril, de leur situation. Clair
Gresson confirmait par sa missive le départ de Leone de l’entourage de Nogaret.
En revanche, les autres renseignements contenus entre ses lignes divergeaient
de ceux fournis par le chevalier, non que Viancourt s’en étonnât. Francesco de
Leone avait découvert chez le conseiller du roi des informations sans doute
plus précises qu’il ne le prétendait. Il gagnait du temps et le prieur en
connaissait la raison. Gresson l’avertissait que Leone était allé rendre visite
à sa tante, Éleusie de Beaufort, abbesse des Clairets, ainsi que l’avait prévu
Viancourt qui n’ignorait pas que les deux manuscrits rachetés par Leone à
Gachelin Humeau étaient protégés dans la bibliothèque secrète de l’abbaye.
Quant à cette mort dont il ne devait surtout pas s’attrister, il s’agissait à
n’en point douter de celle de cette bête immonde, ce Nicolas Florin auquel le
sbire de Benedetti avait confié l’exécution d’Agnès de Souarcy. La dame était
donc sauve, en « belle santé », jusqu’à quand ? Leurs ennemis ne
s’arrêteraient pas. Agnès était la pièce majeure sur l’échiquier de la partie
millénaire qui les opposait. Une partie sanglante, impitoyable.
    Arnaud de Viancourt approcha les
deux lettres de la flamme d’une bougie et contempla la vague brunâtre qui
dévorait le papier.
    Bien qu’incompréhensibles au commun
des mortels, mieux valait qu’elles ne tombassent pas en d’autres mains, surtout
pas entre celles de leur actuel grand maître, Guillaume de Villaret.
    Leone devait continuer d’ignorer le
rôle exact du prieur. Il ne devait jamais, pas plus que les autres, comprendre
qu’Arnaud de Viancourt dirigeait, en clandestinité, leur Quête depuis
longtemps, avant même la débâcle d’Acre, lorsque ce templier avait confié son
carnet de notes à Eustache de Rioux. Francesco devait continuer d’ajouter foi à
sa totale allégeance au grand maître de leur ordre. Surtout, il fallait qu’il
persiste dans sa conviction que Viancourt tentait de contrecarrer les plans de
Philippe le Bel, quand ceux qui terrorisaient véritablement le petit homme gris
étaient ourdis par Honorius Benedetti.
    Le prieur eut une pensée amie,
presque attendrie, pour le chevalier encore jeune et si brillant qu’il manœuvrait
dans l’ombre. Francesco, son plus magnifique guerrier. Francesco qui ne devait
pas encore connaître l’irréversible portée de son combat.
    L’émotion du prieur fut de courte
durée. Il y avait tant à faire, à avancer, à découvrir. Il y avait tant à redouter.
    Il hésitait depuis de longues
semaines. Devait-il rejoindre à son tour le royaume de France afin de prêter
main-forte dans l’ombre à Francesco ? Et laisser la citadelle de Limassol
sans tête, au risque qu’Henri II de Lusignan n’en profite pour placer ses
hommes ? Au risque que ce soudain voyage n’intrigue Guillaume de
Villaret ?
    Quelle importance, s’ils avaient vu
juste ? Tout serait alors bouleversé. Le monde changerait de visage en une
nuit. Ils cesseraient tous d’osciller entre enfer

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