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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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retrouve pas mon
mouchoir qui a dû glisser je ne sais où.
    Annelette jeta un coup d'œil sous le
lit et alentour, sans l’apercevoir. Elle tira le sien du réticule pendu à sa
ceinture dans lequel elle entassait fiole d’antiseptique, longue aiguille à
échardes, petits linges imbibés d’essence de pin et mouchoir.
    — Tenez, celui-ci sort de la
lingerie. Je vous en apporterai un autre plus tard.
    Elle abandonna ensuite une Jeanne
bien faible qui, en dépit de ses protestations, dodelinait de la tête. Elle
prit soin d’abaisser les minces rideaux qui protégeaient sa cellule de dortoir.
    Annelette Beaupré rejoignit le long
couloir qui menait au bureau d’Éleusie de Beaufort. Une silhouette la dépassa,
qu’elle trouva familière. La mince forme se retourna et lui adressa un
lumineux, bien que timide, sourire. Ah oui, comment se prénommait cette novice
déjà ? Celle qui souhaitait prendre le nom d’Hélène, la mère de
Constantin. Annelette avait oublié. Nulle importance.
    Elle frappa à la lourde porte. Une
violente quinte de toux lui répondit.
    La peste soit de ces affections de
poitrine, songea-t-elle. Elles se répandent à la vitesse d’un cheval au galop.
L’âge et la petite constitution de l’abbesse en faisaient une cible prévisible.
Bon, elle se retrouvait avec une deuxième malade sur les bras. Il ne restait
plus qu’à espérer que la propagation s’arrête là, et que sa mère se montre plus
accommodante que Jeanne.
    L’apothicaire se souvenait d’un
printemps où elle avait dû traiter les vomissements, les diarrhées et les
douleurs de ventre de plus de trente moniales et de presque autant de servantes
laïques. Si la maladie l’avait épargnée, elle avait cru trépasser
d’exténuation !
    Elle trouva l’abbesse avachie
derrière son bureau, ses mains enserrant ses tempes. Lorsqu’elle leva le visage
vers elle, Annelette constata qu’elle avait vu juste. Les yeux d’Éleusie de
Beaufort larmoyaient, son nez avait rougi et elle reniflait pathétiquement.
Leur mère lâcha d’une voix enrouée :
    — Il ne nous manquait plus que
cela, ma chère Annelette. Une épidémie.
    — Elle est encore limitée à
Jeanne et vous. Souhaitons qu’elle le demeure.
    L’abbesse se moucha avec bruit et
déclara :
    — Il me faudrait quelques
autres carrés d’étoffe. Celui-ci est… fort sale. J’ai à peine la force de me
soulever, ma fille, et…
    — Bien sûr. Je cours à la
lingerie. Je ferai au retour un détour par l’herbarium pour vous préparer un
peu d’infusion… Aux dires de Jeanne, elle est épouvantable de goût mais je vous
promets d’y inclure force miel, gingembre et cannelle pour en atténuer
l’âcreté.
    Lorsque, une demi-heure plus tard,
Éleusie de Beaufort reposa le bol qu’Annelette l’avait contrainte à boire
entièrement, elle s’exclama :
    — Doux Jésus, que cette
médication est donc infecte ! N’est-ce pas le comble de l’injustice que
d’être malade et de devoir, en inique punition, ingurgiter d’aussi infâmes
potions ? Voudriez-vous allumer les lampes à huile, ma fille ? Le
soir tombe déjà et on n’y voit goutte. Je me sens tout affaiblie. J’espère
qu’une bonne nuit de sommeil me rétablira. Avez-vous avancé dans votre enquête,
dans vos raisonnements ?
    — Pas autant que je voudrais
pouvoir l’affirmer. N’y voyez nulle indiscrétion, mais j’ai ouï dire tantôt
qu’un messager s’était présenté devant vous et…
    L’abbesse ébaucha un sourire :
    — Il s’agissait, enfin, d’une
bonne nouvelle. Un courrier de mon neveu qui devrait me rejoindre bientôt. Quel
soulagement ! (Le joli visage finement ridé s’assombrit aussitôt.) J’ai
rédigé une réponse, lui relatant sommairement les récentes péripéties survenues
en l’abbaye.
    — Comment se peut-il que je
n’aie jamais aperçu votre neveu lors de sa dernière visite ? Dieu du ciel,
quelle catastrophe c’eut été si ce scélérat de Florin l’avait débusqué !
    La fierté se peignit sur le front de
l’abbesse qui avoua :
    — C’est que Francesco est rusé.
Il se faufile partout à la manière d’un ribleur [53] . Nulle enceinte, nul huis ne lui résiste.
    Une quinte de toux l’étouffa.
Annelette se précipita pour lui tapoter le dos. Enfin les spasmes de l’abbesse
s’apaisèrent.
    Elles discutèrent à nouveau des
meurtres, des menaces qui pesaient sur leur quête. Puis Éleusie de Beaufort
brossa un tel

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