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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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violent, sans antidote, encore méconnu en Europe. Il pouvait
suffire d’un demi-grain* pour occire un homme adulte.
    Comment ce toxique exotique et
onéreux était-il parvenu jusqu’aux Clairets ?
    L’aconit.
    L’ergot de seigle.
    La poudre d’if. Une large dose
provoquait la mort. Une dose modeste des vomissements très spectaculaires
accompagnés de tremblements.
    La congestion de poitrine, le
mouchoir. Elle s’entendit expliquer : « C’est du reste étrange la
façon dont se communiquent les maladies… Est-ce juste le souffle qui les
transmet d’un être à l’autre ? J’en demeure sceptique
puisque l’on sait bien que porter le linge de corps d’un malade
peut contaminer un individu sain. »
    L’éclat de verre qui s’était fiché
dans sa semelle alors qu’elle s’approchait d’un lit du dortoir. Éleusie lui
rapportant qu’un des moines messagers assassinés portait la trace de multiples
et fines coupures dans la gorge et qu’il s’était vidé de son sang en dedans de
lui-même.
    Une sœur assez charmante pour que
l’on ait envie de lui accorder sa confiance.
    Une sœur dont les sorties légitimes
étaient assez durables pour qu’elle puisse se procurer des poisons, transmettre
des informations et prétendre rapporter des nouvelles d’un petit garçon mort
deux ans auparavant.
    Une sœur assez intelligente pour
mettre au point un plan audacieux afin de récupérer des manuscrits.
    Une sœur assez proche d’Hedwige du
Thilay pour apprendre la nature du piège que préparait Annelette grâce aux œufs
dérobés à Geneviève Fournier. La meurtrière l’avait ainsi déjoué, mais il lui
avait fallu assassiner la petite chevecière qui risquait de révéler ses
confidences. La diablesse n’avait alors pas hésité à ingérer de la poudre d’if
en même temps qu’elle trucidait son amie, afin de détourner les soupçons.
    Une sœur assez retorse pour
s’associer les services d’une complice qui déroberait un poison dans l’armoire
de l’herbarium durant l’une de ses absences.
    Et les pièces éparses de la charade
se mirent enfin en place. Un visage banal mais plaisant, illuminé par un sourire
chaleureux.
    Jeanne d’Amblin. Jeanne d’Amblin et
une complice qui s’était faufilée dans l’herbarium afin d’y prélever de la
poudre d’if, d’égarer Annelette et d’écarter les soupçons de la tourière.
    Une fureur meurtrière secoua
l’apothicaire qui se leva de sa couche, cherchant du regard la cellule toilée
de Jeanne.
    L’immonde pécheresse ! Elle
avait usé de l’affection, de l’estime, de l’ascendant qu’elle exerçait sur les
autres dans le seul but de les tuer. Un chagrin terrible submergea Annelette.
Éleusie éprouvait tant d’affection pour Jeanne que l’apothicaire en avait
parfois été jalouse. Jeanne était l’amie, la confidente. Qu’est-ce qui peut
pousser un être à de telles monstruosités ? Le fanatisme ? Jeanne
faisait-elle partie de leurs ennemis jurés ? Sans qu’elle sut très bien
pourquoi, Annelette n’y croyait pas. L’argent ? La revanche ? Si
l’enherbeuse avait été une autre moniale, l’aurait-elle autant détestée qu’elle
exécrait maintenant Jeanne ? Sans doute pas. Jeanne était presque parvenue
à la séduire, elle aussi. Annelette lui avait accordé sa confiance, peut-être
même un peu d’affection. Et tout ce temps, la tourière pensait à l’exécuter,
elle aussi.
    Les poings de l’apothicaire se
crispèrent jusqu’à ce que ses ongles blessent les paumes de ses mains. Elle se
sentait capable de frapper la scélérate, de la traîner hurlante sur le sol,
jusque dans une cave où elle attendrait l’arrivée du grand bailli et de ses
bourreaux.
    Elle se contraignit à respirer
longuement bouche ouverte, patientant jusqu’à ce que son cœur s’apaise un peu.
Elle lutta pied à pied contre la rage qui lui donnait envie de se jeter sur
Jeanne afin de la rouer de coups.
    Non. Une telle précipitation de sa
part serait une impardonnable stupidité. Annelette se savait capable de
soumettre la tourière par la force, mais d’autres arriveraient pour prendre sa
relève.
    Attendre. Devenir aussi madrée que
l’autre. La surveiller sans relâche afin qu’elle la mène aux manuscrits. Le
temps devenait si urgent. Francesco avait vu juste. « Ils » allaient
bien vite nommer une abbesse acolyte. Elle lèverait l’interdiction de sortie
avec fouille et se rapprocherait de Jeanne qui pourrait

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