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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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de plusieurs membres de la famille. Ils passèrent sans mot dire à hauteur de Gaspare Malatesta, qui paraissait endormi.
    Le spectacle était du plus haut comique et plusieurs femmes pouffèrent. La belle-sœur du Lion de Rimini fut mortifiée par ce qu’elle crut être l’une de ses nombreuses farces ; elle se pencha vers lui – et hurla quand la lourde carcasse de Gaspare tomba à terre, ses yeux exorbités contemplant sans le voir le plafond de la basilique.

4
    Le désir de vengeance du cardinal Della Rovere tournait à l’obsession. Il se réveillait souvent en pleine nuit, glacé et frissonnant : Alexandre Borgia envahissait ses rêves. Et chaque matin, quand il priait, agenouillé dans la chapelle, sous le regard attentif de gigantesques statues des saints, de tableaux représentant les martyrs, il machinait la destruction du pape.
    Certes, Della Rovere avait échoué à se faire élire pape, et sa rancœur nourrissait de tels sentiments. Mais il était avant tout persuadé qu’en son fond, Alexandre était un homme immoral.
    Le charme et le charisme du pape semblaient rendre ceux qui l’entouraient indifférents à la nécessité de sauver les âmes, ils le laissaient placer ses fils aux plus hautes positions. Beaucoup de cardinaux, presque tous les rois et tous les citoyens de Rome lui pardonnaient ses excès, trop heureux de profiter de ses gigantesques processions, de ses bals, de ses banquets, de ses spectacles. Tout cela coûtait pourtant beaucoup d’argent, qui eût été mieux employé à défendre les États pontificaux, ou à conduire les armées de l’Église dans des terres nouvelles.
    Contrairement au souverain pontife, Della Rovere était un homme violent et peu patient, qui n’était heureux qu’à la chasse ou à la guerre. Bourreau de travail, il n’avait pas le moindre humour – défaut qui pourtant lui semblait être le signe qu’il était vertueux. Bien qu’il eût trois filles, il se souciait peu des autres et, de sa vie, n’avait aimé qu’une seule fois.
    Le cardinal Della Rovere ne se départissait jamais d’une grande dignité, qui aurait paru rassurante s’il n’y avait eu dans ses grands yeux une lueur de fanatisme. Il avait une tête massive, de hautes pommettes carrées, de petites dents très belles – mais il souriait trop rarement pour qu’on pût s’en rendre compte. Seule la fossette de son menton adoucissait un peu la dureté de ses traits : un visage médiéval, l’incarnation même du jugement dernier. Son corps massif donnait plus une impression de raideur que de force. Nul ne niait son courage et son intelligence ; mais on ne l’aimait guère, en raison d’un langage trop souvent cru et injurieux, si éloigné de l’affabilité du pape. C’était un ennemi redoutable.
    Dans les nombreuses lettres qu’il adressait à Charles VIII, au roi Ferrante de Naples et à bien d’autres, il ne cessait d’accuser Alexandre d’être un simoniaque, un corrompu, un escroc, un être cupide, qui s’adonnait aux plaisirs de la chair. Jugement sans appel, bien que lui-même se soit plus d’une fois rendu coupable de ces péchés.
    Certaines de ses accusations n’étaient pas sans fondement. Une fois élu, Alexandre avait offert des châteaux aux cardinaux qui l’avaient soutenu, les postes les plus élevés de la bureaucratie vaticane. Ascanio Sforza avait ainsi été nommé vice-chancelier, tout en se voyant accorder de multiples bénéfices ecclésiastiques. La rumeur voulait que, la nuit précédant l’élection du souverain pontife, des ânes chargés de sacs remplis d’argent soient arrivés dans son palais. Le cardinal Antonio Orsini avait reçu deux villes, d’une valeur de plusieurs milliers de ducats, d’autres cardinaux des fiefs. Della Rovere lui-même avait été nommé légat du pape en Avignon, recevant en outre la forteresse d’Ostie, le port de Senigallia, sur l’Adriatique, ainsi que le canonicat de Florence.
    Une telle politique n’avait rien de bien nouveau. Quel meilleur moyen, pour un pape, de récompenser ceux qui lui avaient témoigné leur fidélité ? De la part d’Alexandre, les cadeaux faits à Della Rovere témoignaient même d’une grande générosité – mais intéressée et qui, dans ces circonstances, avait quelque chose d’insultant.
    Toutefois, l’accuser de simonie était scandaleux. Della Rovere était issu d’une famille bien plus riche, et bien mieux considérée, que celle d’Alexandre. Si de

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