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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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somptueux cadeaux avaient suffi à acheter l’élection au trône pontifical, lui-même n’eût pas hésité à prodiguer les largesses.
    Mais la fureur de Giuliano Della Rovere l’emporta sur son sens politique et, avec d’autres cardinaux dissidents, il entreprit d’implorer le roi de France de réclamer la tenue d’un concile. Autrefois, cette réunion des plus hauts dignitaires de l’Église pouvait imposer des limites aux pouvoirs du pape, et même le déposer. Mais Pie II, trente ans auparavant, l’avait réduite à presque rien.
    Voir le nouveau pape nommer cardinal son fils César avait néanmoins tellement scandalisé Della Rovere que celui-ci, avec ses alliés, comptait bien ressusciter le Concile pour abattre Alexandre Borgia.
    Prudent, il quitta toutefois Rome peu de temps après pour se rendre à Ostie, afin de mieux préparer son complot. Une fois les alliances passées, les plans bien en place, il passerait en France pour se mettre sous la protection de Charles VIII.
    Ayant assuré l’avenir de ses fils, Alexandre VI se devait de faire de même pour sa fille. Il y réfléchit avec le plus grand soin. À treize ans, Lucrèce n’était pas encore une femme, mais il ne pouvait attendre. Du temps où il était cardinal, il l’avait promise à deux aristocrates espagnols ; maintenant qu’il était pape, cela devenait impensable : il la fiancerait donc à Giovanni Sforza, duc de Pesaro. S’assurer le soutien de Milan était en effet indispensable. De ce point de vue, Lucrèce constituait son atout le plus précieux. Agé de vingt-six ans, veuf depuis peu d’une épouse morte en couches, Giovanni avait pour oncle le redoutable Ludovico Sforza, « le More », qui tenait Milan. Il fallait s’en faire un allié avant même de songer aux rois d’Espagne et de France.
    Alexandre n’ignorait pas qu’il lui fallait unifier toutes les cités-États de la péninsule en une seule Italie dominée par le Saint-Siège. Faute de quoi, les Turcs pourraient bien, à la première occasion, envahir le pays. La papauté y perdrait bien des âmes, et bien des revenus. Plus important encore, si Alexandre ne pouvait s’assurer la fidélité du peuple, défendre Rome des invasions, et accroître le pouvoir de l’Église, un autre cardinal – sans doute Giuliano Della Rovere – prendrait sa place, et la famille Borgia courrait les plus grands dangers. Ses membres seraient accusés d’hérésie, torturés, condamnés à mort ; la fortune qu’Alexandre s’était donné tant de mal pour amasser leur serait confisquée. Il ne leur resterait rien. Un destin infiniment plus dramatique que tout ce que sa fille pourrait devoir endurer.
    Après une nuit sans sommeil, passée à marcher de long en large dans sa chambre, à s’agenouiller devant l’autel pour prier, et à envisager ses plans sous tous les angles, il fit appeler ses enfants – César, Juan et Lucrèce. Geoffroi était encore trop jeune, et de toute façon assez lent d’esprit ; tout cela lui passerait au-dessus de la tête.
    En public, Lucrèce se bornait à faire la révérence, à baiser l’anneau de son père et à s’agenouiller ; mais quand ils étaient seuls, elle courait vers lui et l’embrassait tendrement. Quelle enfant merveilleuse ! Le cœur d’Alexandre en était tout ému.
    Ce jour-là, cependant, au lieu de la serrer dans ses bras, il la repoussa et la tint à distance.
    — Que se passe-t-il, père ? demanda-t-elle, surprise et blessée : elle le croyait en effet mécontent d’elle. À treize ans, elle était déjà grande pour son âge, et fort belle : une peau de porcelaine, des traits si fins qu’on aurait cru voir une Vierge de Botticelli, des yeux clairs pétillant d’intelligence. Elle était vraiment le soleil qui illuminait l’existence d’Alexandre.
    — Père, répéta-t-elle d’un ton vif, que se passe-t-il ? Qu’ai-je donc fait pour te déplaire ?
    — Il faut que tu te maries sous peu, répondit-il simplement. Elle tomba à genoux :
    — Père ! Je ne peux te quitter si tôt ! Je n’y survivrais pas ! s’écria-t-elle avant d’éclater en sanglots.
    S’avançant, le pape la souleva et la serra contre lui pour la réconforter :
    — Allons, allons, chuchota-t-il. Lucrèce, cette alliance m’est nécessaire, mais cela ne veut pas dire que tu dois partir dès maintenant. Sèche tes larmes et laisse-moi t’expliquer.
    Elle s’assit à ses pieds sur un coussin brodé d’or et l’écouta avec

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