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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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été chargé d’y veiller, car Juan était vraiment ivre.
    — Je l’ai cherché en vain dans la ville, et son serviteur aussi.
    — Je vais m’habiller sur l’heure, au cas où mon père aurait besoin de moi.
    Quittant les lieux, Brandao eut pourtant le temps de remarquer que les bottes du cardinal étaient trempées et couvertes d’une boue rouge encore humide.
    À mesure que les heures passaient, l’absence de Juan inquiéta de plus en plus son père, qui marchait de long en large, rosaire d’or en main.
    — Ce garçon est impossible ! dit-il à Duarte. Il faut le trouver, et il devra s’expliquer !
    Brandao tenta de le rassurer :
    — Votre Sainteté, il est jeune, et Rome est pleine de jolies femmes. Peut-être s’est-il endormi dans une chambre du Trastevere.
    Alexandre acquiesça de la tête, mais au même moment César entra, porteur de sinistres nouvelles :
    — Père, on vient de retrouver l’écuyer de Juan, mortellement blessé, et si gravement atteint qu’il ne peut parler.
    — Je veux le voir ! Il me dira tout !
    — C’est un peu difficile sans langue, répondit César à voix basse.
    Le pape frémit :
    — Ne peut-il pas écrire ?
    — Non, père : il n’a plus de doigts.
    — Où l’a-t-on retrouvé ?
    — Sur la piazza della Giudecca. Il devait y être depuis plusieurs heures, sous les yeux de centaines de passants, qui ont eu trop peur pour prévenir qui que ce soit.
    — Et l’on ne sait toujours pas où est ton frère ?
    — Non, père.
    César et Duarte revinrent au Vatican après avoir rencontré les chefs de la garde pontificale, des troupes espagnoles, des gardes suisses et des forces de police.
    Alexandre était assis, immobile, serrant son rosaire entre ses doigts. Quand ils entrèrent, les deux hommes se regardèrent.
    Mieux valait sans doute que Brandao lui apprenne les dernières nouvelles.
    Il s’approcha donc du pape, lui posa une main sur l’épaule et dit :
    — Votre Sainteté, on vient tout juste de m’apprendre que le cheval du capitaine général vient d’être retrouvé, errant à l’aventure. L’un des étriers avait été sectionné, apparemment d’un coup d’épée.
    Alexandre eut un gémissement, comme si on l’avait frappé.
    — Et Juan ? demanda-t-il dans un souffle.
    — On ne sait pas, père, intervint César.
    Le pape releva la tête, larmes aux yeux, et se tourna vers son fils.
    — Réunis la garde pontificale, fais-lui fouiller la ville et la campagne. Dis-leur qu’il leur sera interdit de rentrer tant qu’ils n’auront pas retrouvé Juan !
    César quitta la pièce aussitôt et, dans le couloir, croisa Geoffroi.
    — Juan a disparu, lui dit-il, et père est accablé. Si j’étais toi, je tiendrais ma langue, et je me garderais bien de dire où j’étais hier soir.
    Geoffroi hocha la tête et se contenta de répondre :
    — Je comprends.
    Rome fut envahie de rumeurs : le fils du pape avait disparu, son père était aux cent coups, il menaçait des pires châtiments ceux qui auraient pu s’en prendre à Juan.
    Toutes les boutiques fermèrent au passage des soldats espagnols, qui avançaient l’épée à la main. Les ennemis d’Alexandre, dont les Orsini et les Colonna, craignirent d’être accusés et préférèrent s’armer ; on fouilla les moindres ruelles, les soldats se virent menacés de mort s’ils ne retrouvaient pas le disparu.
    Le lendemain, en début de matinée, le guet réveilla un pêcheur endormi dans sa barque. L’homme qui s’appelait Giorgio Schiavi déclara que, le soir de la fête chez Vanozza, il avait vu passer quatre cavaliers, dont l’un était masqué. Ils avaient avec eux un autre cheval, en travers duquel un corps était jeté. Ils l’avaient conduit à l’endroit où les égouts de la cité se déversaient dans le Tibre, pour le jeter dans le fleuve.
    — À quoi ressemblaient ces hommes ? lui demanda-t-on.
    — Il faisait très noir… soupira l’homme.
    Il reconnut par ailleurs avoir entendu l’un des cavaliers, manifestement leur chef, ordonner aux autres de jeter des pierres sur le cadavre, dont la cape bleu nuit flottait à la surface. Par ailleurs, l’un des chevaux était blanc.
    Mais il tint la promesse faite à César et s’abstint de décrire celui qui les commandait. Il lui fut demandé pourquoi il n’avait pas signalé l’événement aux autorités, mais il se borna à répondre, l’air agacé :
    — Depuis des années, j’ai vu des centaines de corps jetés dans le

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