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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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table : “Bon, maintenant, je crois que je peux le dire. Ces deux bonshommes-là, c’étaient Jesse James et Cole Younger.” Il a glissé ses pouces sous ses bretelles et il a souri comme s’il était l’homme le plus riche du monde. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai décidé de devenir quelqu’un dont les gens se rappelleraient plutôt qu’un moins que rien qui s’escrime comme un abruti sur un violon pour quelques cents ou qui se promène avec les bottines de sa mère aux pieds. »
    Bob se leva du lit et s’accroupit devant la cheminée pour se resservir une tasse de café.
    « Un matin, je me suis regardée dans la glace et j’ai remarqué des rides aux coins de ma bouche, lâcha Eugenia. Il ne m’en a pas fallu davantage. »

6
    La bande des Dalton tint villégiature à Silver City tout l’été et une partie de l’automne, tant que nos finances nous le permirent. Bob et sa compagne qui se faisait appeler Eugenia Moore étaient inséparables. Ils assistèrent avec les gosses à la parade du cirque depuis le seuil de l’épicerie et caressèrent le nez d’un chameau. Ils écoutèrent, assis dans l’herbe à côté de l’école itinérante, un récital de piano. Et ils posèrent pour cette photographie qui circule encore de nos jours : Bob, dans son costume quelque peu étriqué, ocre à fines rayures roses, avec un col blanc fripé, a des airs d’adolescent sévère sortant de chez le coiffeur ; Eugenia Moore, debout, coiffée d’un chapeau pour dame du XIX e siècle et empaquetée dans six mètres de robe bleue dont dépassent un col et le volant blanc d’une manche de chemisier, a la main gauche sur l’épaule gauche de mon frère ; ni l’un ni l’autre ne font face à l’appareil et tous deux paraissent quelque peu contrariés, comme si ce cliché n’était qu’un simple document historique, une obligation envers leurs biographes dont ils souhaitaient s’acquitter au plus vite.
    Et Julia dans tout ça ? Il se trouve que je ne la revis pas pendant plus d’un an  – mais nous entretînmes une correspondance qui aviva bien mieux la flamme que n’y était parvenue ma cour maladroite. J’ai toujours été quelque peu intimidé par la sensibilité féminine et absolument sidéré par la manière dont les femmes prodiguent l’amour, comme s’il ne s’agissait pas d’une denrée qu’il convenait de préserver et de conserver en réserve, de sorte qu’il valait sans doute mieux que je sois loin, car ma dulcinée traversait une crise de romantisme qui aurait eu tôt fait de me fatiguer.
    À l’époque où ma famille habitait encore aux environs de Coffeyville, Julia rendait par exemple visite à ma mère pour bavarder à mon sujet en préparant une tarte à la cerise. Elle s’asseyait avec mes sœurs sur le lit en fer-blanc où j’avais dormi et, tandis que Leona tournoyait dans une robe de sa propre confection, Julia fermait les yeux et s’efforçait de m’imaginer endormi à côté d’elle  – les ressorts comprimés du sommier, mon bras bronzé accaparant un oreiller, mon nez plaqué contre sa cuisse. Elle se mettait à ma place et contemplait la tache de noir de fumée au plafond, le plâtre écaillé près du châssis de la fenêtre, les graffitis sommaires au crayon sur le papier peint proclamant : « Je DÉTesTe LE cHOu. » Elle découvrit des chemises qui m’appartenaient dans le placard et les repassa rien que pour pouvoir les presser toutes chaudes contre son visage.
    Elle alla séjourner une semaine chez mon frère Ben pendant que son épouse se remettait après la naissance de leur quatrième enfant ; Julia y consacra ses soirées à étudier Ben tandis qu’il construisait un nichoir à roitelets sur la table de la salle à manger et à me retrouver dans ses sourcils et sa mâchoire. « Tu as des poils bruns sur les poignets, comme lui », constata-t-elle, et Ben lui renvoya un regard perplexe. Et quand mes frères Charles ou Henry s’arrêtaient pour prendre le café, elle leur faisait des cookies au caramel, rien que pour pouvoir les retenir le temps de les questionner.
    « Tu ne t’adresses pas au bon gus si tu veux en savoir plus sur Emmett, lui répondit Henry. Tout ce dont je me souviens, c’est qu’il faisait croire qu’il était le fils de Jesse James. Il devait avoir onze ans. Il en était vraiment convaincu. Tu te rappelles, Ben ? Il avait tout goupillé pour venger son paternel en tuant Robert Ford. C’était

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